Des lettres cachées dans les pages d’un livre font ressurgir les souvenirs d’un vieil homme. Pourquoi détient-il la correspondance intime d’un autre homme avec une femme, et pourquoi se sent-il aussi bouleversé en la parcourant ? C’est une longue histoire qui commence dans le SoHo des années 1970, au cœur d’une effervescence artistique où se noue l’amitié de deux couples heureux et amoureux. L’un est professeur d’histoire de l’art, l’autre peintre en pleine ascension, l’une est spécialiste de littérature, l’autre philosophe, et tous partagent le rêve d’un monde façonné par la beauté et la pensée. Leur lien se resserre encore avec la naissance quasi simultanée de leurs fils, Matthew et Mark. La toile est harmonieuse au possible, mais le destin va se charger d’y imprimer sa propre signature…
Le roman nous transporte dans le New York artiste des 1970s, entre ateliers d’artistes bohèmes et bourgeoisie intellectuelle. L’idéalisme intransigeant des personnages, leur « désir presque brutal de pureté », l’intense détermination avec laquelle ils explorent les mécanismes de la création les rendent attachants. Par la magie des mots, Siri Hustvedt parvient à donner corps à leurs œuvres – tableaux, sculptures et installations minutieusement décrits, poèmes, thèses et essais –, à tel point que l’on oublie parfois qu’ils n’existent que dans le livre. La vraie créatrice de tout cela, c’est l’autrice et on ne peut qu’être impressionnée par son inventivité. C’est assez fascinant aussi de voir l’empreinte imprimée par le vécu des personnages sur leurs créations, la manière dont ces créations se répondent entre elles, comme si elles étaient une extension de leur propre histoire.
Après, Hustvedt y va un peu fort avec les conversations truffées de références qu’échangent les personnages, entre la poire et le fromage :
« Pendant un moment, nous discutâmes de la peau en peinture. Je rappelai le beau stigmate rouge sur la main du saint François de Zurbarán. Bill évoqua la couleur de la peau du Christ mort de Grünewald et la teinte rosée de celle des nus de Boucher, qu’il appelait les soft porn ladies. Il fut question des conventions changeantes en matière de crucifixion, pietà et dépositions. Je dis que le maniérisme de Pontormo m’avait toujours intéressé et Bill parla de Robert Crumb. ‘J’adore sa crudité’, dit-il. Le hideux courage de son travail’. Je lui demandai ce qu’il pensait de George Grosz, et Bill hocha la tête. ‘Un parent, dit-il. Ces deux-là sont indiscutablement parents en art. Avez-vous vu la série de Crumb : Contes du pays des Genitalia ? Des pénis bottés qui courent en tous sens ? – Comme le nez de Gogol’, suggérai-je. »
Ben quoi, vous n’avez pas ce type de discussions avec vos proches en faisant la vaisselle ? J’ai essayé d’imaginer ce que ça donnerait au sein de notre équipage que nous avons tout de même emmené trois fois au MoMa :
– Je meurs de faim ! – Ah super, tout le monde est là, on peut dîner. Vous savez, j’ai repensé à notre discussion sur Zurbarán, Grünewald et Crumb. – On est obligés d’en parler à table ? Je ne serais pas contre éviter les sujets comme les cadavres ou les pénis qui courent. – Tu me passes le sel ? Je ne sais pas ce qu’il te faut si tu n’apprécies pas de réfléchir aux manières de représenter ce qui échappe à la représentation ! – Certaines choses n’ont peut-être pas à être représentées dans les moindres détails pendant qu’on mange ? – Team Zurbarán, alors ! L’abstraction, la sublimation de la mort, là où Grünewald expose crument la chair et Crumb met carrément les pieds dans le plat et montre la mort dans ce qu’elle a de plus impitoyable… – De toute façon, les sentiments, les idées, façonnent ce qu’on a sous les yeux. À ce compte, j’aime autant le pouvoir suggestif d’un Mark Rothko ou d’un Jackson Pollock. – Moi, j’aime surtout le fromage. Comté ou stilton ?
Trêve de plaisanterie, cela ne reflète guère le propos ! En vrai, Tout ce que j’aimais est un roman plein de mélancolie. Je n’ai pas toujours vu où allait me mener l’histoire, construite en strates qui voient les liens entre les personnages s’approfondir, se fissurer et se recomposer au fil des événements. Pour l’apprécier, il faut accepter de se laisser porter par l’existence des personnages et la méditation à laquelle ils nous invitent sur les amitiés qui confinent à l’amour, plus largement l’ambiguïté des relations humaines, la plasticité de la mémoire et de notre regard sur les choses, la porosité entre création artistique et vie réelle. L’ensemble donne un peu l’impression d’un labyrinthe de sensations et de réflexions.
Ce n’est donc pas une lecture qui se traverse d’un souffle, mais un roman dense et immersif qui donne à réfléchir à… tout ce qu’on aime.
Mais oui, moi aussi, j’aime bien ! Surtout s’il y a du dessert 🙂 Il m’est juste arrivé plusieurs fois de lever les yeux de ce roman parce que je trouvais que l’autrice poussait un peu le bouchon avec ses personnages intellos 😀
Tu m’as bien amusée avec ta conversation imaginée. Si je n’ai pas l’âme d’une artiste, j’aime retrouver l’art dans mes lectures alors je pense que ce roman pourrait me plaire, d’autant qu’il semble dépeindre un enchevêtrement fort de liens amicaux et être auréolé d’une empreinte nostalgique assez entêtante.
Ah si tu aimes trouver de l’art dans tes lectures, c’est effectivement pour toi ! Et sinon oui, de l’amitié et des liens très forts, racontés avec une grande nostalgie…
😀 quelle imagination ! Tu m’auras bien amusé avec ta conversation familiale. Oserai-je dire que nous partons souvent dans ce genre de discussions surprenantes à table. Avec 5 enfants ayant des goûts très différents je te laisse imaginer ce que ça peut donner derrière le brouhaha quand chacun y va de son anecdote et de son commentaire :p Quand je leur fait remarquer que ce n’est pas le meilleur moment pour parler de certains sujets, ils me rétorquent que c’est le seul moment où nous sommes tous complètement disponibles et ensemble…
Bref ce roman a l’air intéressant et surprenant tout à la fois. J’aime beaucoup quand il y a de l’art au cœur de l’histoire donc ça pourrait me plaire. Merci pour la découverte et l’humour de ta chronique 😉
Ha ha, j’imagine la cacophonie mais cette effervescence m’est très sympathique ! Si tu te lances avec ce roman, tu verras, c’est une manière de raconter assez tranquille, il ne faut pas s’attendre à une tension narrative énorme. Mais les liens entre les protagonistes sont rendus avec beaucoup de subtilité et effectivement, il est question d’art à presque toutes les pages 🙂
Pourquoi pas ? Moi, je veux bien de ces conversations entre la poire et le dessert xD
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Mais oui, moi aussi, j’aime bien ! Surtout s’il y a du dessert 🙂 Il m’est juste arrivé plusieurs fois de lever les yeux de ce roman parce que je trouvais que l’autrice poussait un peu le bouchon avec ses personnages intellos 😀
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Tu m’as bien amusée avec ta conversation imaginée. Si je n’ai pas l’âme d’une artiste, j’aime retrouver l’art dans mes lectures alors je pense que ce roman pourrait me plaire, d’autant qu’il semble dépeindre un enchevêtrement fort de liens amicaux et être auréolé d’une empreinte nostalgique assez entêtante.
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Ah si tu aimes trouver de l’art dans tes lectures, c’est effectivement pour toi ! Et sinon oui, de l’amitié et des liens très forts, racontés avec une grande nostalgie…
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Oui d’autant que c’est rare que l’art se retrouve dans mes lectures… Alors encore merci pour la découverte.
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😀 quelle imagination ! Tu m’auras bien amusé avec ta conversation familiale. Oserai-je dire que nous partons souvent dans ce genre de discussions surprenantes à table. Avec 5 enfants ayant des goûts très différents je te laisse imaginer ce que ça peut donner derrière le brouhaha quand chacun y va de son anecdote et de son commentaire :p Quand je leur fait remarquer que ce n’est pas le meilleur moment pour parler de certains sujets, ils me rétorquent que c’est le seul moment où nous sommes tous complètement disponibles et ensemble…
Bref ce roman a l’air intéressant et surprenant tout à la fois. J’aime beaucoup quand il y a de l’art au cœur de l’histoire donc ça pourrait me plaire. Merci pour la découverte et l’humour de ta chronique 😉
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Ha ha, j’imagine la cacophonie mais cette effervescence m’est très sympathique ! Si tu te lances avec ce roman, tu verras, c’est une manière de raconter assez tranquille, il ne faut pas s’attendre à une tension narrative énorme. Mais les liens entre les protagonistes sont rendus avec beaucoup de subtilité et effectivement, il est question d’art à presque toutes les pages 🙂
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C’est bien noté 😉 Encore merci.
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