De la démocratie, de Equipo Plantel et Marta Pina (Rue de l’échiquier, 2020)

La démocratie est un sujet qui intéresse énormément les enfants qui font vite des parallèles, par exemple en cette période où une partie de la scolarité se fait à la maison : la famille fonctionne-t-elle de façon démocratique, pourquoi ne le ferait-elle pas ? Les restrictions imposées dans le cadre de la crise sanitaire sont-elles démocratiques ? Il n’en faut pas plus pour déclencher des débats passionnants. Car si tout le monde parle de la démocratie, ce n’est pas si simple de définir ce qu’elle est ni ce qu’elle implique pour les citoyens en devenir que sont nos mouflets.

Après De la dictature, nous continuons notre découverte d’albums jeunesse qui placent la politique à hauteur d’enfant avec l’album-miroir, lui aussi publié par Equipo Plantel au moment de la chute du régime franquiste. Les éditions Rue de l’échiquier viennent de faire paraître une version française de cet album, paré de nouvelles illustrations signées Marta Pina.

Je tire mon chapeau à l’auteur pour la façon limpide dont il parvient à éclairer des concepts a priori abstraits à l’aide d’analogies très parlantes du point de vue des enfants. Il compare ainsi la démocratie à un « jeu » régi par des règles fixées collectivement, les partis politiques à des « équipes » ou les « programmes » à un menu au restaurant. Les libertés d’opinion et d’expression sont expliquées simplement, en insistant par ailleurs sur la nécessité de rester attentifs entre deux élections pour être en mesure d’exercer pleinement nos droits et de sanctionner nos représentants. On comprend aussi que la démocratie ne signifie pas liberté sans bornes :

« Dans une démocratie, les règles du jeu, ce sont les lois. Et comme dans un jeu, il faut les respecter pour que cela fonctionne. »

Les collages vintage de Marta Pina prolongent l’ensemble de façon assez surréaliste et décalée. Je ne suis pas sûre qu’elle ne déconcerte pas certains lecteurs mais pour ma part, je les ai trouvées drôles et stimulantes, avec mille détails à découvrir au fil des lectures dont beaucoup semblent symboliques. Ces images polysémiques invitent à la réflexion et prolongent astucieusement le texte, lui permettant de s’en tenir à l’essentiel.

Tout cela est captivant et très accessible. Cela dit, le propos reste très centré sur les élections (qui ne font pas tout, comme nous le verrons dans ma prochaine chronique…). Deux aspects auraient mérité d’être développés : celui de la séparation des pouvoirs (qui est cependant mis en relief, en creux, par l’album jumeau sur la dictature) et les enjeux liés à l’extension du suffrage aux femmes, aux minorités dans certains pays ou encore aux jeunes. J’ai également regretté un ton un brin manichéen dans le traitement des grandes idéologies, avec d’un côté la priorité au travail, à la lutte contre les inégalités, à l’école gratuite et aux hôpitaux, présentées sur une double-page sympathique qui fait la part belle aux familles et aux services publics ; de l’autre, les tenants du productivisme et de la puissance des entreprises, sur fond d’industries enfumées ; et encore les ultra-libéraux au service des plus riches, dont les intérêts sont symbolisés graphiquement par de « gros sous ». Je le dis d’autant plus facilement que je sympathise personnellement avec les valeurs prônées !

Cela ne m’empêche pas de recommander chaudement cet album qui se démarque par son art de vulgariser des questions rarement abordées en littérature jeunesse. L’objet-livre est attrayant et l’enjeu de taille : mieux la génération montante connaîtra les valeurs démocratiques, mieux elle sera à même de les porter.

C’est pas tout, mais je dois vous laisser. J’ai un référendum à organiser pour ou contre la révision des déclinaisons allemandes !

Lu en janvier 2021 – Rue de l’échiquier, 14,90€

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