Le prince des voleurs, Cornelia Funke (2000 pour l’édition originale en allemand)

Lu en juillet/août 2017

Deux frères orphelins débarquent à Venise pour échapper à leur tante qui veut les séparer. Recueillis par une attachante bande de gamins des rues, ils se réfugient dans le Stella (« l’étoile », en italien), un cinéma désaffecté où ils se débrouillent tant bien que mal pour survivre. S’ils s’en sortent, c’est aussi et surtout grâce à l’énigmatique Scipio, surnommé le Prince des Voleurs, qui cambriole les palais des plus riches pour avoir de quoi soutenir le petit groupe d’enfants. Le roman nous précipite dans un tourbillon de péripéties qui s’enchaînent à un rythme effréné : quel est ce détective menaçant qui semble être à leurs trousses ? Sera-t-il toujours possible de lui échapper, dans le dédale des ruelles et des canaux de Venise ? Est-il raisonnable d’accepter la mission mystérieuse qui vient d’être confiée à Scipio ? Et d’ailleurs, qui est-il vraiment ?

Cornelia Funke nous tient véritablement en haleine pendant plus de 500 pages. Très bien écrit, son roman nous fait entrer de plein pied dans l’univers d’une Venise pleine de recoins et de nostalgie, voire de magie, qui offre un décor fabuleux pour les aventures des gamins. Les personnages sont bien campés, eux aussi, et profondément humains et attachants. La personnalité de certains d’entre eux, en particulier Scipio, est d’une complexité qui ne va pas de soi dans un roman jeunesse. L’intrigue soulève une série de questions passionnantes qui font écho aux mythes de Robin des Bois, d’abord, puis de Peter Pan. Finalement, ce sont les rêves teintés de poésie proposés par le roman, dans lesquels on s’engouffre très volontiers, qui le rendent si séduisant : qui n’a jamais rêvé de se créer une cachette et d’y faire l’école buissonnière ? De jouer au détective ou au justicier ? De pouvoir grandir plus vite ou, au contraire, retomber en enfance ? De sillonner les rues d’une grande ville de nuit, en s’attendant à voir s’animer des statues ? Difficile de s’extirper de l’univers envoutant créé par Cornelia Funke au terme du roman !

Paru en Allemagne en 2000, il est un classique Outre-Rhin, et les romans de Cornelia Funke sont traduits en 37 langues ! Le Prince des voleurs gagnerait absolument à être plus connu en France où les lecteurs déjà un peu aguerris se délecteront sans aucun doute des aventures de la petite troupe !

Extrait

« Au beau milieu de la nuit, alors que les autres dormaient depuis longtemps, Prosper se releva. Il remonta la couverture que Bo avait envoyé promener avec ses pieds, prit sa lampe de poche sous son oreiller, enfila ses vêtements et passa sans bruit à côté des autres. Dans son sommeil, Riccio se tournait d’un côté et de l’autre, Mosca tenait son hippocampe dans ses bras et un des chatons de Bo dormait sur l’oreiller de Moustique, la tête dans ses cheveux bruns.
Quand Prosper ouvrait la porte de la sortie de secours, il frissonna, car l’air de la nuit était glacial. Le ciel était parsemé d’étoiles et, derrière le cinéma, la lune se reflétait dans le canal.
Les maisons sur la rive opposée étaient plongées dans l’obscurité. Une seule fenêtre était éclairée. Encore quelqu’un qui ne peut pas dormir, songea Prosper. Quelques marches, larges et usées, menaient jusqu’à l’eau. L’escalier avait l’air de descendre jusqu’au fond du canal. Plus bas, toujours plus bas, dans un autre monde. Un jour qu’il était assis au bord du canal avec Bo et Mosca, Bo avait prétendu que l’escalier avait sûrement été construit pour des génies des eaux et des sirènes, et Mosca lui avait demandé comment ils faisaient pour monter avec leurs queues glissantes. Prosper ne put s’empêcher de sourire en y songeant. Il s’assit sur la première marche et regarda l’eau qu’éclairait la lune. Les vieilles façades s’y reflétaient, floues. Comme elles se reflétaient déjà dans le canal avant la naissance de Prosper et celle de ses parents, et même de ses grands-parents. Quand il marchait dans la ville, il passait souvent la main sur les murs. Les pierres de Venise étaient différentes, tout était différent. Différent de quoi ?
Différent d’avant.
Prosper essayait de ne pas y penser. Pourtant, il n’avait plus le mal du pays. Depuis longtemps. Pas même la nuit. Ici, il était chez lui. Comme un gros animal douillet, la Ville de la Lune avait accueilli Bo et Prosper, elle les avait cachés dans ses ruelles tortueuses, les avait charmés avec ses odeurs et ses bruits exotiques. Elle leur avait même donné des amis. Prosper ne voulait plus jamais la quitter. Plus jamais. Il était tellement habitué à entendre le clapotis de l’eau sur les pierres et sur le bois. Et s’ils étaient obligés de partir ? À cause de l’homme à la moustache de morse. »

Le livre de Poche, 6,90€

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