Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ce n’est pas forcément facile d’être un enfant « zèbre », comme on appelle aujourd’hui les personnes « à haut potentiel intellectuel ». Loin du cliché des petits génies capables très jeunes de performances (intellectuelles, artistiques…) extraordinaires, les recherches montrent une différence non-seulement quantitative, telle que mesurée classiquement par un indice de QI, mais aussi et surtout qualitative, avec une pensée « en arborescence » plutôt que linéaire et des perceptions sensorielles très intenses typiquement associées à une conscience aiguë des choses et une hypersensibilité émotionnelle. Ces particularités peuvent faciliter l’appréhension intuitive de problèmes complexes, mais elles peuvent également avoir des conséquences moins positives : ennui à l’école, difficultés à « filtrer » pouvant causer des problèmes d’attention, vulnérabilité face aux critiques, anxiété, surchauffe mentale, et surtout un sentiment de décalage par rapport aux autres susceptible de peser sur la confiance en soi… D’où le sentiment de beaucoup de personnes concernées que ces particularités ne sont pas faciles à vivre – ni pour les enfants, ni pour leurs parents.
Les observations montrent que le fait de mettre en mot ces spécificités est essentiel pour surmonter ces difficultés potentielles. Ce n’est pourtant pas forcément facile à expliquer à un enfant, a fortiori s’il est petit. C’est l’objectif parfaitement atteint de cet album qui donne la parole à Zarbi, une enfant-zèbre qui évoque sa différence avec ses mots à elle, très évocateurs et accessibles, portés par des illustrations pleines de sensibilité.
L’objet livre est beau, avec sa couverture à la texture zébrée et aux couleurs chatoyantes. Les autrices sont parvenues à exprimer le ressenti que peuvent avoir les enfants-zèbres de façon percutante et touchante. À rebours des idées reçues, Zarbi nous explique l’effervescence permanente dans sa tête, ses inquiétudes, l’intensité de ses émotions, son sentiment de décalage, son aspiration à ressembler aux autres et sa détresse de ne pas y parvenir. Elle raconte aussi sa conscience de la préoccupation de ses parents et de la maîtresse, puis sur une tonalité optimiste, ce que lui a apporté la compréhension et l’acceptation de sa différence.
Hugo a repéré ce livre parmi les nouvelles parutions et a eu immédiatement envie de le lire ; je remercie beaucoup les éditions Rue de l’échiquier jeunesse de nous avoir permis de le découvrir. Mes deux garçons se sont jetés sur cet album avec avidité et ont été très touchés par cette histoire qui leur a visiblement beaucoup parlé. Ils ont tous les deux regretté que le récit ne se poursuive pas et auraient apprécié de passer plus de temps avec Zarbi…
J’espère sincèrement que Zarbi sera lu largement pour contribuer à faire mieux comprendre et accepter les particularités des enfants-zèbres. À cet égard, il me semble que cet album est important pour les enfants directement concernés, mais aussi pour les autres…
Éditions Rue de l’échiquier jeunesse, 2018, 16,50€