
Prison de Bordeaux, Montréal. La voix du prisonnier qui raconte cette histoire n’est pas celle d’un rustre : sa sensibilité au monde qui l’entoure, son débit, son choix de mots et de métaphores confinent à la grâce. Comment un tel homme s’est-il retrouvé là ?
C’est ce que nous allons progressivement comprendre en suivant le fil de la vie de Paul. Un récit qui commence aussi loin que possible de l’infamie de la vie en prison, par le coup de foudre improbable de son père, pasteur danois, et de sa mère, propriétaire d’un cinéma d’art et d’essai toulousain.
Si c’est la curiosité de découvrir ce qui a pu conduire un homme aussi sensible et réfléchi à passer par la case prison qui m’a initialement accrochée, je me suis finalement laissé embarquer aussi par le récit de sa vie. Celle-ci baigne dans une lumière nostalgique, même si les frasques de ses personnages rocambolesque, que l’auteur décrit magnifiquement, m’ont fait souvent sourire. Comment résister à l’humanité désarmante du voisin de cellule dont le nom de famille, Horton, finira par donner lieu à l’adjectif « hortonien » ? À celle de son père, désespéré d’avoir perdu la foi ? Et que dire de Winona qui survole si souverainement les grands espaces canadiens aux commandes de son aéroplane ?
Ces pages brossent, en toile de fond, l’avènement d’une ère mesquine gouvernée par les déterminismes, les procédures et les rationalités gestionnaires. La structure narrative non-linéaire alternant entre le présent en prison et les souvenirs du passé crée des effets de résonance saisissants qui ne peuvent que nous interpeller sur les injustices de nos sociétés.
Car cette vie a décidément quelque chose d’universel. Chacun connaît ces déraillements qui auraient pu paraître anodins mais qui font finalement bifurquer l’existence.
Beau, tragique, profondément humain.
Lu en mai-juin 2023 – Édition Poche aux éditions Points, 7,60€
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