Sister-ship, d’Élisabeth Filhol (POL, 2024)

La Terre est amenée à devenir invivable ? Qu’à cela ne tienne, les humains de Sister-Ship, montent une expédition visant à sauvegarder la vie en la déplaçant sur Titan, plus grande lune de Saturne : trois vaisseaux frères (sister-ships en anglais où le mot est féminin) sont donc appareillés pour mener les missions d’exploration, construire l’infrastructure nécessaire sur place et transporter cinq astronautes et cinquante-trois cuves d’azote liquide, dont la dernière fait débat…

Étonnée de trouver ce roman en littérature blanche mais toujours partante pour tirer des plans sur la comète, j’ai pris mon billet pour l’année 2097 et embarqué à bord de l’Olympic. Mon enthousiasme fut de courte durée. Je vais certes pas me plaindre du voyage – tout était impeccable, les vaisseaux et machines accordés entre eux, les manœuvres mûrement répétées, les crises potentielles systématiquement anticipées. Même les membres de l’équipage avaient été recrutés pour leur caractère égal ! Mais justement, c’est là que le bât blesse :

« Quelques accrocs dans le tissu régulier de nos journées, dit Aiko, ça ne fait pas de mal. En observant Tracy et Viktor, je me dis que ça peut même faire du bien. Ils ne sont jamais aussi vivants que dans ces moments-là, quand un dysfonctionnement les stimule, leur donne du grain à moudre. »

L’autrice met ici elle-même le doigt sur ce qui m’a posé problème : des éléments perturbateurs, il n’y en a guère dans cette expédition huilée comme une horloge. Pas d’imprévu ni d’intrigue d’équipage, aucune faille psychologique, à peine une courte panne ici ou là ! Privée de tension narrative, j’ai eu du mal à m’intéresser à la sophistication technique de l’expédition et aux descriptions des panoramas titanesques. Je me suis surprise – avec une sorte d’effroi vis-à-vis de moi-même – à attendre que la catastrophe se produise enfin : fuite fatale, attaque extra-terrestre, trahison, peu importe, quelque chose qui me captive un peu que diable ! J’ai fini par comprendre où le roman veut en venir, mais trop tardivement, à un point j’avais dû m’accrocher trop longtemps pour ne pas abandonner.

L’écriture ne m’a pas convaincue non plus. L’autrice nous donne à lire en alternance le discours de clôture du 133e congrès international d’astronautique, texte-fleuve peu réaliste par sa longueur dont la véritable fonction est d’élucider les tenants et aboutissants de l’odyssée, et des extraits du journal de bord où chaque membre de l’équipage semble parler du même ton lisse et placide, là où la forme chorale se serait prêtée à développer des voix singulières, décalées ou dissonantes.

Mauvaise pioche pour moi, donc, mais j’espère que d’autres lecteur.ice.s sauront mieux apprécier le périple !

Lu en septembre 2024 – POL, 20€

6 commentaires sur “Sister-ship, d’Élisabeth Filhol (POL, 2024)

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    1. Non, c’est très contemplatif, je pense plutôt pensé pour nous donner à penser sur la beauté fragile de la nature, la manière dont nous sommes en train de finir de mettre à sac notre planète et aux impasses dans lesquelles nous risquons de nous enfermer. Mais étonnant de trouver si peu d’action dans une odyssée spatiale.

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  1. J’aime beaucoup l’idée de départ et à te lire je pense que ce roman pourrait bien me plaire justement parce qu’on s’attend à une aventure spatiale classique et que ce n’est visiblement pas le cas. Je me le note 😉

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    1. Ha ha, j’adore ton esprit de contradiction ! Vraiment je te souhaite de tout cœur de mieux apprécier ce roman que je n’ai su le faire. J’ai vu que d’autres lecteur.ice.s étaient emballés (et Télérama a mis 3T), donc tu as sans doute raison de lui donner une chance et au moins tu es prévenue, ne t’attends pas à des cascades spectaculaires 😀

      Aimé par 1 personne

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