Les derniers jours de l’apesanteur, de Fabrice Caro (Gallimard, 2025)

« Les derniers jours de l’apesanteur ». Quelle jolie expression pour désigner ces dernières semaines de lycée, cette période qui précède le bac et l’envol vers la vie adulte !

Avec le sens de l’observation et l’humour qu’on lui connaît, Fabcaro raconte l’année de Terminale du jeune Daniel, à la fin des années 1980 : les dangers insoupçonnés de la mission de prof particulier de maths que le lycéen accepte, heureux de se faire un peu d’argent ; ses tentatives désespérées pour approcher l’inaccessible Cathy Mourier ; l’écosystème de la cour de récré ; les fêtes qu’on ne peut manquer sous aucun prétexte ; les cogitations inspirées par des obsessions inavouables… mais universelles ; les prémisses d’une politisation ; et, évidemment, les repas de famille.

Rien d’extraordinaire, mais c’est justement là que l’auteur fait fort. On connaît son talent pour rendre désopilants les situations et poncifs les plus banals, les petites manies observées avec tant de justesse qu’on a l’impression de les reconnaître. Par ce temps de canicule, je me suis régalée de son humour décalé, des dialogues réjouissants, de l’autodérision désarmante du narrateur. Tout cela fait merveilleusement mouche pour saisir ce que la fin de l’adolescence a d’intense, d’exaltant, mais aussi d’un peu intimidant. Sous la farce perce une vraie tendresse pour les personnages qui a cueilli tout mon équipage (moussaillons compris).

Était-il discourtois de refuser d’aller voir le corps du défunt ? Les gens allaient-ils me lancer des regards lourds de reproches ? Ma mère m’a posé la main sur l’épaule et m’a dit N’y va pas si tu ne le sens pas. Et, à l’adresse de ma tante, Il a le bac cette année. À vrai dire, le lien entre ces deux phrases m’échappait. J’ai imaginé qu’il s’agissait de quelque chose comme Excuse-le s’il n’y va pas, il ne doit pas être perturbé par des éléments extérieurs, cette année. Ma tante a acquiescé, compréhensive. Il semblait de notoriété publique qu’il fallait éviter de voir le corps d’un défunt quelques mois avant le bac. Au moins pouvais-je tirer un avantage de cette situation : si je ratais le bac, j’aurais une excuse toute trouvée. 

Et, mine de rien, dans cette petite ville, il se passe des choses étranges qui ont piqué ma curiosité et m’ont fait tourner les pages…

Un petit roman pour revisiter ces jours d’apesanteur qu’on ne vit qu’une fois mais que la littérature sait, visiblement, suspendre hors du temps.

Lu en août 2025 – Gallimard, 20€

8 commentaires sur “Les derniers jours de l’apesanteur, de Fabrice Caro (Gallimard, 2025)

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    1. Pardon de ne répondre que maintenant ! L’époque n’est pas hyper présente, un peu par l’atmosphère musicale et des discussions (plutôt à la marge) sur la chute du mur… On sent qu’on est à un tournant mais c’est plutôt le tournant individuel du narrateur qui est au coeur du roman.

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      1. C’est sûr que ce n’est pas vraiment un livre témoignage. Plutôt quelque chose d’universel, qui souligne ce que vivent les Terminales plus ou moins à chaque époque. Si tu l’ouvres en librairie, tu pourras te faire une idée du registre en lisant 3 ou 4 pages seulement 🙂

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