
Cette allégorie de la mort, enveloppée d’un suaire et agrippée à un symbolique Ibis, plane sur l’album dès les premières pages. Qui suit-elle ? Une poignée de marcheurs de tous horizons – fauves, batraciens, pachydermes et autres léporidés qui avancent sans se retourner, ou presque. La mine grave, le dos courbé par la fatigue, ils vont de l’avant à travers les ténèbres, avec beaucoup de dignité, ne s’arrêtant que pour reprendre des forces. On ne connaît pas les raisons de leur exil ni leur destination, chacun est unique. Et peu importe. Ce qui compte et que l’album montre avec force, c’est le désarroi, à l’image de cette petite valise dérisoire restée au bord de la route. Et le caractère complètement désespéré de cette course contre la mort.

Ces illustrations sont incroyablement puissantes. J’ai été tellement chamboulée par ces pages que j’ai hésité à les montrer à Antoine et Hugo. Je n’étais pas sûre qu’ils seraient prêts à entendre les réponses aux questions qu’elles ne manqueraient pas de susciter, que je serais capable de formuler ces réponses à hauteur d’enfant. Mais je sais bien qu’ils perçoivent les grandes questions sociales, qu’ils sont d’ores et déjà confrontés concrètement à la situation des migrants, notamment parce qu’ils ont eu à plusieurs reprises des camarades de classe issues de familles réfugiées. La littérature jeunesse permet souvent d’aborder les sujets les plus difficiles plus aisément que de manière frontale.
Souvent, les garçons sont décontenancés par les albums sans texte et insistent pour que je trouve quand même quelque chose à dire. Une fois n’est pas coutume, nous avons parcouru Migrants dans un silence assourdissant. « Où sont les parents de l’éléphanteau ? », a simplement demandé Hugo en tournant la deuxième page, rassuré de constater ensuite qu’un éléphant adulte se trouve bien là. Un peu plus loin : « Cela me fait penser aux migrants qui essaient de traverser la Méditerranée ». Rien à ajouter, parfois des images valent mieux qu’un long discours.
Un album récompensé par le prestigieux Prix Sorcières qu’il est urgent de faire lire. Des êtres humains continuent de périr chaque jour dans l’indifférence quasiment générale. En les représentant dans toutes leurs couleurs sur fond noir, Issa Watanabe met en lumière ces invisibles.
L’avis de Linda
Lu en mai 2021 – La Joie de Lire, 15,90€
C’est album est bouleversant. Pas besoin de mots, les illustrations parlent d’elles-même. Coup de ❤ pour moi, Gabrielle l'a également trouvé incroyablement fort et Juliette a préféré n'en rien dire, une façon pour elle de se protéger en général… Donner l'impression d'être forte en faisant l'indifférente.
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Je comprends ton sentiment 💔
J’ai aussi été de suite frappée par les illustrations de ton article avant d’aller lire ton texte.
Je vais aller l’ajouter direct à la wishlist.
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Je pense que c’est un incontournable, si tu peux mettre la main dessus, il est vraiment à découvrir. Je serai curieuse de lire ton avis !
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Je lis peu d’albums sans texte, mais celui-ci a l’air particulièrement fort et poignant.
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J’aime passionnément les albums sans texte. Pour qu’on y mette ses mots ou parce que justement, il n’y en a pas, pas qui soient assez forts, descriptifs, justes.
Tu en avais déjà fort bien parlé, tu prolonges ici. à mon tour de le découvrir
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On pourrait en faire une lecture commune ? Il est disponible dans ma médiathèque.
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On se retrouve toutes par ici dans les commentaires, il semble donc qu’il y ait du potentiel pour une LC. Je suis partante en tout cas 🙂
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Je le récupère mercredi normalement 😉
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