
La collection Ceux qui ont dit non, dirigée par Murielle Szac, revient sur la vie et l’engagement de personnes mobilisées, à des niveaux très divers pour les libertés et contre les oppressions, les autoritarismes et les injustices. Sophie Scholl, membre du groupe de résistance au régime hitlérien « La rose blanche », trouve évidemment sa place dans cette émouvante galerie de portraits.
Immense conteur et fin connaisseur de l’Allemagne, Jean-Claude Mourlevat était la personne idoine pour raconter cette histoire. Un récit terrible, puisque Sophie et plusieurs de ses camarades furent arrêtés et mis à mort, mais inspirant aussi : leur courage est exemplaire et leur action joua un rôle pour alerter l’opinion publique, leurs tracts ayant beaucoup circulé et ayant été reproduits à des millions d’exemplaires. La forme romanesque suscite l’identification avec Sophie tout en restant fidèle aux faits, nous donne à vivre de l’intérieur et de façon poignante ses peurs et sa détermination.
« Elle demande un billet aller-retour pour Stuttgart. Elle devrait pouvoir le faire sans angoisse, mais au moment de parler, il lui semble que sa voix se trouble et la trahit. C’est à cause de son cœur qui cogne et de son estomac qui se vrille. Elle doit se battre chaque fois avec la même incontrôlable peur. Elle voudrait passer inaperçue, devenir invisible. Or il lui semble qu’elle occupe tout l’espace, qu’on ne voit qu’elle dans cette gare. La poignée de la valise lui brûle les doigts. Car la menace est partout, qui rôde : les soldats de la Wehrmacht, la police criminelle, la Gestapo. Aussi longtemps qu’elle tient cette valise au bout de son bras, elle est en danger de mort. Et elle le sait. »
J’ai trouvé la brièveté du récit adaptée à une première introduction qui s’adresse à de jeunes lecteur.ice.s. Plusieurs pistes sont proposées pour approfondir, notamment avec le beau film Sophie Scholl : Les derniers jours. Les pages finales évoquent d’autres résistants allemands moins célèbres, ainsi que plusieurs figures de résistance qui se sont démarquées dans d’autres contextes, hier comme aujourd’hui.
Une lecture importante pour entretenir la mémoire chez les nouvelles générations. Se souvenir des atrocités du national-socialisme, mais aussi de la clairvoyance et de la bravoure incroyables dont ont fait preuve des résistant.e.s à peine sorti.e.s de l’enfance.
« Les photos terribles de Sophie Scholl, faites par la Gestapo le jour même de son arrestation, nous interpellent. On devine son regard à la fois terrorisé et lointain, on mesure sa solitude en cet instant, et on se demande : Qu’aurais-je fait, moi ? Puis on se pose une deuxième question, bien plus pertinente : Que fais-je ? »
Lu en mai 2021 – Actes Sud Junior, 9€
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