
Il était une fois une famille où naquit un enfant hors norme.
Leur histoire est racontée du point de vue de la fratrie, chacun s’efforçant de « s’adapter » à sa façon. L’aîné s’attache, la cadette se révolte, le petit dernier répare, compense ce qu’il ne peut que deviner car il ne l’a pas vécu. Ils n’ont pas de prénom, comme dans un conte qui serait murmuré par les pierres millénaires de la cour familiale.
« Nous, les pierres rousses de la cour, qui faisons ce récit, nous nous sommes attachées aux enfants. C’est eux que nous souhaitons raconter. Enchâssées dans le mur, nous surplombons leurs vies. Depuis des millénaires, nous sommes les témoins. Les enfants sont toujours les oubliés d’une histoire. On les rentre comme des petites brebis, on les écarte plus qu’on ne les protège. »
Car c’est le récit universel d’une famille qui vacille, forçant chacun à chercher son équilibre, s’agrippant les uns les autres. Un chemin fait de solitude creusée par le fossé vis-à-vis de la normalité, de nostalgie de l’insouciance, de honte et de culpabilité, de courage et d’acceptation.
Tout cela est dit en peu de mots, dans un texte bouleversant de délicatesse et de sincérité. Les instants d’oubli, de réconfort, sont particulièrement beaux.
Belle aussi, la nature sauvage des Cévennes qui enveloppe la famille à chaque page, semble faire corps avec elle – infusant sa dureté minérale, exhalant des soupirs las, tremblant sous des orages dévastateurs pour mieux se réchauffer sous les rayons du soleil.
Les mots limpides de Clara Dupont-Monod disent le chemin de croix traversé par les personnes, les familles qui se démènent, souvent très seules, avec un handicap ; et les capacités humaines à s’adapter aux drames, avec la persévérance de ces cèdres qui parviennent miraculeusement à prendre racine sur la roche cévenole. Émouvant et lumineux.
Lu en avril 2022 – Stock, 18,50€