
Eva essaie de ne penser ni aux caïmans ni aux piranhas pour se concentrer sur celui qui se cache peut-être sur l’autre rive du fleuve bouillonnant. Celui qu’elle souhaite à tout prix retrouver, quitte à fouiller dans les affaires qui ne sont pas les siennes, passer un casting pour l’émission Perdu de vue, prendre un vol pour le Suriname et même suivre une piste plutôt risquée jusqu’au fin fond de la jungle…
Simon van der Geest est un merveilleux conteur. Il lui suffit d’un prologue pour mettre le récit sous haute tension et nous tenir en haleine sur près de 500 pages en variant les registres : récit à la première personne, extraits du devoir scolaire par lequel tout a commencé, emails et illustrations signées Karst-Janneke Rogaar.

Eva est vraiment chouette : débrouillarde et déterminée mais en même temps fragilisée par les enjeux qu’elle place dans sa quête et désarmante de sincérité, un peu à la manière des protagonistes des livres de Susin Nielsen.
J’ai aimé la manière scientifique dont elle amorce son enquête (c’était la consigne du fameux devoir !) et le tour de plus en plus personnel que prend malgré tout cette investigation. L’expédition au Suriname fait encore monter d’un cran le suspense et le récit devient un vrai roman d’aventures. Mais avec toujours en toile de fond de belles réflexions sur les liens de filiation, l’âge à la charnière entre enfance et adolescence, la découverte que les adultes peuvent mentir, mais aussi le néo-colonialisme, l’exotisme, les dérives de la téléréalité.
Ajoutez à cela mille petites trouvailles originales comme l’hexadactylie d’Eva – vous découvrirez à la lecture ce que cela signifie en même temps qu’une foule d’anecdotes sidérantes sur les dragons de Komodo ! – et un dénouement tout en nuances, et vous obtiendrez un roman immensément sympathique où aventure rime avec tendresse.
Nous remonterons dans n’importe quelle pirogue avec Simon van der Geest – et nous avons d’ailleurs enchaîné sans délai avec son 1er roman, Spinder, dont je reparlerai très bientôt.
Extraits
« J’ai réfléchi toute la semaine, mais je n’ai pas vraiment d’animal préféré. Et dans notre jardin, il ne pousse que de l’herbe, je n’ai pas de père qui dirige une entreprise de tomates biologiques.
D’ailleurs, je n’ai pas de père. Seulement une mère.
Puis, soudain, j’ai trouvé. Oui, il existe un sujet qui m’intéresse et dont je ne connais encore rien.
Je vais faire mon travail sur les pères biologiques. »
« – Le village existait depuis longtemps, plusieurs centaines d’année, tu sais. Il avait été créé par les Africains qui avaient fui les propriétaires d’esclaves. Mais nous n’avons pas pu rester dans notre village. Il devait disparaître. Il a été englouti.
– Tout un village ?
– Plus de vingt villages. Toutes ces maisons se retrouvent aujourd’hui au fond du lac Brokopondo. Il fallait un barrage pour fournir de l’électricité. On nous a prévenus. On nous a dit : « L’eau va arriver, partez d’ici, on vous construira un nouveau village… » Mais nous avions vécu pendant des générations au bord du fleuve. Le fleuve, c’est notre vie ! Et ce nouveau village n’était pas au bord d’un fleuve. Qu’est-ce que nous irions faire là ? »
Lu en février 2023 – Joie de Lire, 13,90€
J’aime bien l’idée et l’histoire a l’air plutôt sympa. Merci pour la découverte !
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