Les âmes féroces, de Marie Vingtras (Éditions de l’Olivier, 2024)

Mercy, c’est un peu Twin Peaks : le calme plat et, tout le monde connaissant tout le monde, la moindre rumeur se répand comme une traînée de poudre. Alors le jour où le corps d’une lycéenne sans histoire est retrouvé sans vie, c’est une véritable onde de choc qui traverse la petite commune américaine. Pour en révéler un visage aussi féroce qu’insoupçonné…

Quatre saisons, quatre protagonistes qui prennent la parole tour à tour pour nous livrer chacun leur version de l’affaire : le roman nous donne d’abord à entendre la shérif (et oui, figurez-vous qu’à Mercy, c’est une femme qui occupe le poste, et lesbienne de surcroit), puis successivement trois autres personnages. La construction n’est pas celle d’un roman policier classique, mais elle est impeccable. La mise en regard des points de vue, leurs décalages nourrissent la curiosité et nous permettent de mener notre propre enquête, recoupant nos observations du comportement des habitants dans les mois qui suivent le meurtre et les souvenirs qui affleurent chez chacun des narrateurs.

La voix de chacun s’impose d’emblée – celle de Lauren, par exemple, va droit au but, posée, lucide, forte mais pas dépourvue de failles. Rien à voir avec celle qui prend le relai, ni avec les suivantes… On se sent parfois retournée comme un gant lorsqu’un personnage qui suscitait toute notre sympathie révèle des faces plus sombres. Je me suis efforcée de faire la part des choses mais j’ai souvent dû me résoudre à constater l’ambiguïté fondamentale des protagonistes, tout simplement humains.

« On ne se complique pas la vie dans une si petite ville à peine plus grande qu’une maison de poupées, peuplée de minuscules figurines immobiles, les bras rivés le long du corps. On ne se complique pas à essayer de percevoir les ombres, les demi-teintes. Tout est forcément dans la lumière alors que même le jour le plus cru comporte sa part d’obscurité, une part empruntée à la nuit et c’est ma part de nuit qui les obsède. »

Les âmes féroces est donc une enquête très bien ficelée qui se lit avec plaisir. Mais c’est aussi un roman du sur-place et de la dégringolade sociale, des bourgades où l’on étouffe, des secrets, de la noirceur humaine. Pas étonnée qu’il ait raflé le prix Fnac !

Lu en septembre 2024 – Éditions de l’Olivier, 21,50€

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