L’anguille, de Valentine Goby (Thierry Magnier, 2020)

L’histoire de Camille, cette fille née sans bras qui doit se faire une place dans un nouveau collège, aurait pu être poignante. Mais Valentine Goby en a fait le récit solaire de la manière dont une différence peut être profondément libératrice pour celles et ceux qui ont du mal à entrer dans le moule. Autrement dit… pour chacun, ou presque ! Mais tout particulièrement pour le timide Halis qui n’attendait que cette rencontre pour révéler les qualités cachées (vous n’en saurez évidemment pas plus) sous son imposante enveloppe corporelle…

« La nouvelle ? Tiens, c’est vrai, il avait oublié. Il se rappelle le prof de français leur annonçant sa venue. La semaine dernière. Ce ne serait pas n’importe quelle élève, il avait dit gravement. Ce serait une élève différente. Une fille « en situation de handicap ». Le prof avait chuchoté ces mots comme s’ils étaient dangereux. Ou précieux. Ou grossiers. Ou fragiles, on ne savait pas trop. Des mots spéciaux en tout cas, pour une fille spéciale. Handicapée, quoi, avait traduit intérieurement Halis. Le prof avait dit ensuite que c’était une chance pour la classe. Halis n’avait pas bien compris pourquoi. »

Voilà une invitation bienvenue à surmonter nos clichés sur le handicap en nous posant d’excellentes questions : qu’est-ce que cela signifie exactement ? Et qu’est-ce que cela ne signifie pas ? Pourquoi cela heurte-t-il beaucoup de gens ? Une perche qu’Antoine a volontiers saisie, réalisant ce qu’implique de vivre avec un membre en moins, mais aussi ce que des êtres différents parviennent à accomplir. Et surtout, pourquoi leur existence devrait être considérée comme une chance.

J’ai trouvé l’intrigue un peu rapide, certains personnages ne font qu’une apparition furtive et le dénouement semblera frustrant à certain.e.s lecteur.ice.s. Ce texte n’en reste pas moins une lecture agréable, portée par la plume vive et incarnée de Valentine Goby – qui fait d’ailleurs discrètement gaiement incursion ici et là, nous dévoilant son état d’esprit à certains moments-clés de l’intrigue. Le message est résolument optimiste. Il donne envie de croire aux pouvoirs de l’entraide, de la tolérance et des passions communes (aux rang desquelles la lecture figure bien sûr en bonne place). Et de célébrer nos différences !

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N’hésitez pas à découvrir l’avis de Linda et à lire un petit extrait pour la route :

« Elle s’applique à disparaître, à imiter les autres, joue comme eux aux cartes, au Uno, comme aux au baccalauréat pendant les récrés, comme eux partage son goûter. Mais même quand elle croit faire « comme eux », elle reste à part, tout à fait unique : elle tient ses cartes entre ses orteils, écrit un stylo entre ses orteils, mange des biscuits entre ses orteils. Ils la regardent, ils la regardent, ils la regardent, ils n’arrêtent pas de la REGARDER ! »

Lecture commune avec Antoine en juin 2021 – Thierry Magnier, 11,50€

2 commentaires sur “L’anguille, de Valentine Goby (Thierry Magnier, 2020)

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  1. J’ai vraiment apprécié ce titre, très lumineux! Le texte pousse à reconsidérer le rôle de chacun dans l’acceptation du handicap et la place que l’on accorde aux personnages qui en portent un.

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