Une photo de vacances, de Jo Witek (Actes Sud Junior, 2020)

La vie de famille, c’est de composer avec les envies de chacun pour faire des deux précieuses semaines de vacances annuelles un formidable moment partagé. Pas facile pour Eugénie, dix ans, face à des parents adeptes de la sieste, un bébé et sa grande sœur en pleine adolescence qui a ramené sa copine, par-dessus le marché. Et voilà qu’elle-même se met à douter de ses propres envies en cet été charnière, entre enfance et adolescence…

On lit ce roman comme on feuillette un album photo. Jo Witek trouve les mots justes pour dire l’ennui et les sorties, les relations élastiques entre sœurs et le baume des tranches de rigolade, la famille qui prend ses marques et invente ses petits rituels dans un tendre ballet. On rit, on s’attendrit. Le charme de ces vacances semble familier : à croire que les congés en famille ont quelque chose d’universel ? La narration d’Eugénie révèle pourtant, par petites touches, que nous sommes dans un milieu social singulier, modeste. On sent bien que le budget est limité, que sur le papier, l’horizon n’est peut-être pas le plus ouvert.

« Les proprios, moi, ils m’impressionnent. Ils ont toujours l’air plus importants que nous. Je le distingue dans la façon qu’ont mes parents de leur parler. Papa fait toujours très attention à ce qu’il dit avec les propriétaires, un peu comme face aux gendarmes ou à la directrice de mon école. Il choisit ses mots, il se fait tout petit, bien poli, tout gentil, on dirait un petit garçon avec une barbe noire et un tee-shirt marqué Punk is not dead. »

On aurait tort de les réduire à cela : voilà avant tout une famille forte de ses rêves, de l’amour partagé. Assez politisée aussi, avec notamment cette maman déléguée syndicale qui n’aime rien tant que lire l’actualité et causer politique. Ils sont chouettes, les Manzatti !

Un roman frais, entraînant comme des boules de pétanque qui s’entrechoquent au son des cigales.

L’avis de Linda…

… et deux extraits pour la route

« – Bon, si on gagne, j’achète une maison de vacances avec piscine en plus de mon garage pro ! lance papa en sortant de la boutique.
-Non, une villa au bord de la mer ! insiste Adèle. À Dubaï. Ça a l’air trop stylé.
– Dubaï ? Quelle horreur ! réplique ma mère, outrée. Cette ville remplie de boutiques de luxe fait partie d’un émirat où les femmes risquent la prison si elles dénoncent les violences sexuelles qu’elles ont subies. Impossible ! Non, si on gagne, on part sur un voilier faire le tour du monde ! Ça serait formidable. »

« Elle me parle de sa jeunesse, de son engagement militant, mais aussi de ma grand-mère qui avait eu dix enfants et pas beaucoup de temps pour penser à elle. Elle me raconte le monde des femmes d’hier et d’aujourd’hui, ce qui a évolué et les nouvelles libertés gagnées. Elle s’éloigne un peu de mes préoccupations, je ne sais plus si c’est elle ou moi qui se confie, elle ou moi qui finalement a le plus besoin de parler. »

Lu à voix haute en juillet 2021 – Actes Sud Junior, 14€

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