Célèbre, de Maud Ventura (L’Iconoclaste, 2024)

J’avais adoré Mon mari au point de passer commande du nouveau roman de Maud Ventura sans même en avoir lu le résumé. Malheureusement, la jubilation espérée n’a pas été au rendez-vous.

Comme dans le premier roman, la narratrice de Célèbre est outrancière, obsessionnelle, hors du commun dans l’énergie qu’elle est capable de déployer au service de ses objectifs. Mais sa névrose est plus autocentrée : ce qu’elle a décroché au prix d’efforts inimaginables, ce qu’elle est allée chercher « avec les dents » toute son existence durant, ce n’est pas l’amour d’un époux, mais la célébrité. La jeune chanteuse n’a jamais douté qu’un destin extraordinaire l’attendait. Exilée sur un ilot du Pacifique dans le cadre d’un singulier concept de vacances, elle se remémore les étapes de sa trajectoire vers le sommet de la gloire.

Cette quête de notoriété n’a pas le même potentiel subversif que la passion dévastatrice qui dévorait la narratrice de Mon mari. Là où cette dernière démontrait par l’absurde les contradictions d’une certaine conception vintage du couple qui a toujours le vent en poupe, les affres de la célébrité sont plus éculées et se prêtent moins à l’ironie.

Attention, j’ai adoré ici ou là renouer avec la férocité de Maud Ventura, rire de l’outrance de Cléo – par exemple quand elle aborde le fameux syndrome de l’imposteur :

« Il est beaucoup question du syndrome de l’imposteur. Vivre avec l’impression de ne pas mériter ses réussites, d’avoir eu de la chance, d’être passé entre les gouttes, de voler la place de quelqu’un de plus compétent. De mon côté, je dois affronter l’angoisse inverse et inavouable : je pense que j’ai un talent fou et je me demande quand le monde entier finira par s’en rendre compte. Pour moi, l’injustice suprême serait que mon génie passe inaperçu. Je suis exceptionnelle, mais je crains que jamais il ne me soit permis d’en faire la brillante démonstration. »

Mais, dans son ensemble, le roman peine à trouver son registre de surenchère et de vitriol, à l’heure où la réalité est déjà tellement caricaturale, d’aucun mettant en scène son existence sur les réseaux sociaux en espérant percer comme influenceur et la fabrique de superstars étant devenue une industrie millimétrée. Ces pages restituent très bien les rouages pervers de la célébrité. Ces derniers méritent qu’on s’interroge sur la fascination qu’exercent les stars et les dérives de ce système. La forme du monologue, qui soustrait Cléo à toute forme de contradiction, est maligne. Mais faute de suffisamment de second degré, tout cela ne m’a pas divertie, mais attristée, agacée, déprimée, puis lassée. Ce n’est pas si surprenant de découvrir que l’argent ne fait pas le bonheur, que les people se sentent souvent bien seuls et que s’il est sans doute délicat pour leurs entourages de leur faire entendre raison, une œuvre géniale ne saurait justifier un comportement infâme. Le dénouement crée une certaine surprise, mais n’a pas été suffisant pour raviver mon intérêt.

Cela dit, d’autres lecteur.ice.s sont beaucoup plus enthousiastes que moi sur ce roman. Cela me réjouit pour l’autrice que je trouve très sympathique et que j’espère relire avec plus de bonheur.

Lu en août 2024 – L’iconoclaste, 21,90€

6 commentaires sur “Célèbre, de Maud Ventura (L’Iconoclaste, 2024)

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  1. Il me tente bien. J’avais adoré Mon mari. Je vais voir si je trouve le temps de tenter ce dernier roman. Comme tu le dis, d’autres l’ont aimé. ^^ En même temps, j’avoue que le sujet qu’elle aborde est quand même casse g***. A voir. Merci pour ton retour ! 🙂

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  2. Zut dommage pour toi, c’est vrai que quand on a beaucoup aimé un roman d’un auteur, forcément on a des attentes pour le suivant… Après tu as su nous décrire très bien de quoi il en retournait pour quand même nous intriguer et donner envie à certains de le lire. Merci à toi 🙂

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