
Le procédé n’est pas entièrement inédit (pensons par exemple au roman Le Pouvoir, de Naomi Alderman), mais il n’en est pas moins redoutablement efficace : Florence Hinckel imagine une société miroir de la nôtre où les rapports de genre seraient inversés – où, donc, les femmes domineraient. Pour faire plaisir à son père et pour le bien de son frère jumeau, Léa a accepté d’y réfléchir. Les noms des rues et des fonctions honorifiques, les stéréotypes et leur reflet dans les choix d’orientation, le cinéma, la littérature ou les attentes vestimentaires : tout est passé en revue. Ces réflexions pourraient finalement être plus « renversantes » que Léa ne s’y attendait.
Ce exercice de renversement rigoureusement mené est révélateur et véritablement réjouissant. Certaines situations m’ont paru plus réussies que d’autres, mais dans l’ensemble, c’est malin, finement observé et souvent drôle – par exemple lorsque la mère de la narratrice moque le mot « écrivain » (« Qu’est-ce qu’il est moche, on entend ‘écrit vain’ ») ou quand on constate comment on pourrait (avec juste un peu de mauvaise foi) naturaliser le fait que les hommes s’occupent des enfants. J’ai aimé que l’on perçoive ce que cette société a de limitant y compris pour le genre dominant.
En revanche, cela reste vraiment un « exercice ». Léa décrit son monde, domaine après domaine, prenant conscience de l’ampleur des problèmes. Le roman aurait pu être génial si son propos et sa morale s’étaient fondus dans une intrigue.
Cela dit, mes moussaillons ont été surpris, amusés, puis interrogés par les descriptions de Léa. Ils ont spontanément fait le lien avec des situations dont ils avaient déjà conscience comme le phénomène du plafond de verre par exemple, mais d’autres aspects leur ont donné à réfléchir : notre société est-elle AUSSI sexiste que cela ?
À lire comme une expérience de pensée féministe ludique ! Merci à mon amie la collectionneuse de papillons de m’avoir donné envie de jouer le jeu.
L’avis de Lucie
Lu à voix haute en septembre 2022 – L’école des loisirs, 10€
Je n’ai pas lu celui-ci mais juste sa suite qui reprend le concept et j’ai adoré. Même si c’était un enchaînement de petits moments, il y avait une continuité entre eux et c’était archi pertinent !
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Oui, j’ai lu ta critique qui était très bien argumentée ! Je suis tout à fait d’accord sur la pertinence, c’est même impressionnant. J’y pensais encore la semaine dernière, nous avions encore des débats pour savoir si les femmes sont très sous-représentées (30%) au principal congrès de ma discipline par manque de mérite (d’après certains collègues masculins) 😦 Seulement, je me dis qu’une construction narrative plus classique avec élément perturbateur, péripéties et dénouement aurait peut-être plus de chances de passionner des lecteurs qui ne seraient pas déjà acquis à la cause.
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Ce n’est pas faux, ç’aurait clairement était un plus ^^
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