On était des loups de Sandrine Collette (J.-C. Lattès, 2022)

Sous le charme de la pureté grandiose du lac en couverture, je me suis laissé entraîner au bout du monde, dans les extrémités d’une contrée montagneuse et sauvage – sans doute au nord du Canada. Là-bas, Liam a décidé de vivre une existence primitive avec sa femme, son fils de cinq ans et ses chevaux. Mais un jour, un ours tue Ava, laissant l’homme fou de désespoir. Comment mener cette vie, seul avec l’enfant ? A-t-on jamais vu quelque chose d’aussi fragile qu’Aru survivre dans un endroit pareil ? Tête baissée, l’homme emporte son fils dans un long périple dont la destination reste funestement insaisissable…

La nature ici n’est pas un décor romantique mais un univers gigantesque et terrible, un monde impitoyable, indifférent aux êtres humains. Mais un monde dont Liam a fait son refuge, loin de la civilisation, du bruit, des gens, des souvenirs de son enfance. Un demi-retour lui semble au-dessus de ses forces. Mais comment élever un enfant dans un endroit pareil ?

Ce dilemme terrible fait tournoyer les pensées dans la tête de Liam sans répit ni ponctuation. Ses mots résonnent et restituent puissamment la tectonique des liens filiaux. L’un semble constamment acculé, sur le point de déraper sous l’effet de la rage et du chagrin. L’autre est d’une vulnérabilité désarmante mais pourtant tient bon – on ne sait plus lequel des deux s’agrippe à l’autre.

« Un enfant c’est une tâche immense, ça signifie s’occuper de quelqu’un d’autre que soi et je ne suis pas sûr qu’on en soit tous capables… »

La tension est d’emblée au plus haut : où cette chevauchée nous mène-t-elle ? Comment basculera la relation entre père et fils ? Il y a quelque chose de très juste et bouleversant dans la manière dont Sandrine Collette évoque, de sa plume instinctive et presque animale, l’attachement infini que nous vouent nos enfants que nous le méritions ou non. Les ressorts de l’instinct paternel, l’amour maladroit des parents qui voudraient protéger leurs petits de la dureté de l’existence. La difficulté de savoir aimer quand on n’a pas été aimé. La honte de savoir qu’on n’est pas toujours à la hauteur. La magie des étincelles de complicité qui surgissent parfois malgré tout.

Omniprésentes, les forces de la nature enveloppent, émerveillent et ballottent tour à tour les personnages. Ce roman, c’est aussi une poétique du chant des loups, de la cabriole des papillons et de la brume après l’orage.  Un hommage poignant à un monde majestueux mais fragile.

Loin des sentiers battus, quelque-part entre drame, nature-writing et conte, un texte beau et sombre sur la paternité qui vient d’être récompensé par le Prix Jean Giono et le Renaudot des lycéens.

Lu en novembre 2022 – J.C. Lattès, 19,90€

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