Western, de Maria Pourchet (Stock, 2023)

La proposition est audacieuse : mettre en scène Dom Juan sous la forme… d’un western. Mais voilà : à la veille de la première, la star qui joue le plus célèbre des séducteurs – un rôle qui lui va comme un gant – manque à l’appel. Il semble s’être purement et simplement volatilisé.

« Le metteur en scène panique crescendo, à croire qu’il ne maîtrise pas les références qu’il prétendait avoir. Son plateau nu, la porte inutile et le désert en papier peint, c’est pourtant clair, c’est même criant que cela commence. Dans les westerns, le théâtre que constitue l’artère principale est toujours vide, au vent près qui soulève la poussière. L’homme qu’on recherche est ailleurs, dans la plaine, dans les têtes. »

Qui est cette voix off, ce « je » qui fait parfois intrusion dans la narration et commente les évolutions en se référant aux codes du western ? Car il s’avère que ce livre que nous tenons entre nos mains et qui prend des airs de script ou de scénario (« Cela commence à Paris, au théâtre… ») serait en réalité, lui aussi, un western. N’allez pas imaginer que ces pages vont vous entraîner au Far West ni même que le rythme sera galopant. Mais on y trouvera, effectivement : la route par une chaleur de plomb, la fuite vers l’Ouest, la tension des moments où il ne se passe rien, le héros qui n’a plus rien à perdre, celui qui débarque et qu’il faut désarmer, la traque.

Ce « western »-là cristallise avec justesse (mais sans jugement) notre époque, ses bullshit jobs et ses conflits moraux, son arbitraire et son cynisme, ses scandales et ses coups médiatiques, ses villes sauvages et ses campagnes harassantes. C’est cruel et cru. Maria Pourchet brosse tout cela d’une plume nerveuse et féroce, dérangeante par son détachement qui lui fait évoquer d’un ton égal les pulsions sexuelles et le désespoir, les ambitions et les jeux de pouvoir.

« Le discours amoureux, planquant ses armes létales, peut porter la charge plus loin chez l’autre en territoire intime. Autrement dit « je t’aime » est un chaton ceinturé d’explosifs qu’on prend dans ses bras et boum. »

Difficile de baisser la garde dans un tel décor, d’autant plus qu’on ne sait qui joue quel rôle, où finit l’amour et où commence la prédation… On serait d’autant plus transporté.e d’y trouver ce que l’on n’attend plus ni dans un western, ni dans notre monde de brutes.

Un roman déconcertant mais qui parvient à développer un point de vue original et stimulant sur les déboires du donjuanisme et de la vulnérabilité dans notre ère post-me too. Et puis se saisir des codes du western pour tourner en dérision le machisme, ça ne manque pas de sel.

Merci à Stock et à NetGalley pour cette lecture !

Lu en septembre 2023 – Stock, 20,90€

Laisser un commentaire

Site Web créé avec WordPress.com.

Retour en haut ↑