Jour de ressac, de Maylis de Kerangal (Verticales, 2024)

Il y a des coups de fil qui vous submergent. La narratrice de Jour de ressac est littéralement percutée par celui de la police judiciaire du Havre et peine à retrouver son équilibre : « nous aimerions vous entendre dans le cadre d’une affaire vous concernant ». Que peut-elle avoir à faire avec le corps retrouvé deux jours auparavant sur la voie publique ? Pourquoi est-elle aussi bouleversée ?

Intriguée, je me suis précipitée à la suite de la protagoniste dans la ville du Havre : cinquante nuances de crachin, dédale portuaire de digues, de quais et de conteneurs. Presque un personnage à part entière avec son histoire, ses secrets, sa manière singulière de cristalliser notre époque. Une cité qui fait jaillir les fantômes et les souvenirs au fil de la quête hallucinée de la narratrice, comme des éclats qui progressivement se mettent en place. Car si au sens propre, le « ressac » évoque le retour des vagues après un choc contre un obstacle, il peut aussi, au sens figuré, désigner la résurgence d’une émotion enfouie.

« Le vent soufflait, un vent déstructuré, sinusoïdal, hasardeux comme une chose sans tête, mais une force invisible qui liait tout ensemble, sanglait le ciel sur la mer, et nous – mouettes, bateaux, pelleteuse – avec eux. »

Maylis de Kerangal écrit magnifiquement, d’une écriture qui déferle. Rien qu’en décrivant les choses, les lieux et les personnages du point de vue de sa narratrice, par la composition fugace de certains détails, la force des métaphores et le rythme des mots, elle sait planter une atmosphère, instiller un sentiment d’alerte ou installer la nostalgie, piquer la curiosité, nouer une intrigue.

Alors oui, le dénouement est frustrant, presque cruel – mais il est cohérent avec ce roman qui relève plus de l’enquête intime que du polar. Un roman hypnotique.

Lu en septembre 2024 – Éditions Verticales, 21€

9 commentaires sur “Jour de ressac, de Maylis de Kerangal (Verticales, 2024)

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    1. Absolument ! Je ne vois pas comment sa plume peut laisser indifférent. Peut-être m’avait-elle encore plus impressionnée dans Réparer les vivants. Vraiment n’hésite pas à y jeter un oeil à l’occasion quand tu verras ses romans en bibli ou librairie.

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  1. Je suis curieuse de ce titre… en plus, il est dans la première liste pour le Goncourt. J’avais bien aimé « Réparer les vivants » de l’autrice… en tout cas merci pour ta chronique, elle me donne envie de le lire… 🙂

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      1. Merci. Je suis d’accord avec toi, cette liste est intéressante et variée ! J’ai déjà lu le dernier Gaël Faye que j’ai beaucoup aimé

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      2. Je te rejoins tout à fait sur ce titre qui m’a touchée aussi ! De mon côté, j’avais aussi lu Le bastion des larmes, d’A. Taïa, dont j’avais trouvé l’écriture vraiment singulière et hypnotique, d’une manière différente de celle de Maylis de Kerangal. Et après Madelaine avant l’aube de S. Collette, que j’avais commencé, j’ai encore à lire Le club des enfants perdus de R. Lighieri. J’espère avoir le temps d’en découvrir d’autres !

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      3. Dans cette liste, je suis comme toi « Madelaine avant l’aube » me tente aussi. J’ai repéré aussi « Dors ton sommeil de brute » ainsi que « Les guerriers de l’hiver » d’Olivier Norek… Bref, de belles lectures en perspective…

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