L’âge des possibles, de Marie Chartres (L’école des loisirs, 2020)

« L’infini des possibles s’offrait à nous. Danserions-nous autour du tourbillon ? »

Doutes et questionnements paralysent Temple à l’idée de quitter sa minuscule zone de confort. Les doutes, c’est précisément ce qui ne devrait pas concerner Saul et Rachel, membres d’une communauté amish qui font leur rumspringa, petite excursion dans la société moderne pour mieux pouvoir y renoncer en connaissance de cause. Tout sépare la douceur joyeuse de Rachel, la mélancolie inquiète de Saul et l’ironie fragile de Temple, mais suite à leur rencontre si improbable dans l’immense Chicago, c’est ensemble qu’ils vont chercher leurs repères parmi tous les possibles qui s’offrent soudain à eux.

Sans l’enthousiasme de Linda, rédactrice du blog Sir This and Lady That, je n’aurais jamais lu ce roman. Malgré sa jolie couverture. Les amish, ce n’est pas franchement ma tasse de thé, même depuis qu’Emmanuel Macron les a propulsés sur le devant de la scène en leur comparant ironiquement les adversaires de la 5G. Et pourtant, le charme a opéré dès les premières pages : l’alternance rythmée des narrateurs, et surtout la ferveur de leurs émotions respectives, ont piqué ma curiosité. Quels étaient leur histoire, leurs secrets ? Et surtout, qu’allaient-ils devenir ?

D’une plume délicate, Marie Chartres évoque très joliment l’émerveillement terrifiant de « l’âge des possibles » au seuil de l’inconnu adulte, ce moment de repousser l’horizon de son enfance. La petite vie toute tracée des amish ne fait pas envie, mais leur regard sur la société est intéressant ; il révèle la frénésie, le consumérisme futile et la solitude au cœur de la jungle urbaine, mais les élans de solidarité et la saveur des petites libertés, des accrocs et des bifurcations imprévues n’en sont que plus réconfortants.

J’avais donc tort sur toute la ligne. Il n’est pas, au fond, question d’une obscure communauté (qui a tout de même fini par m’intriguer au point de faire mes petites recherches !) mais d’émotions qui nous parlent, évidemment, par leur portée universelle.

Belle surprise qui a pris une dimension particulière pour moi qui ai tant aimé déambuler dans la ville de Chicago !

N’hésitez pas à consulter les avis de Linda et de Hashtagcéline.

Extraits

« Je ne sais pas non plus comment se porte un sac à main. J’ignore cela. Je les regarde lorsque je me promène en ville : je vois toutes les filles de mon âge avec leur sac coincé dans le creux du coude, comme si c’était un prolongement naturel de leur corps ou de leur personnalité, elles sont légères et aériennes. Il y a quelques années, je me suis entraînée avec un sac de courses, j’ai fait des allers et retours studieux entre ma chambre et la cuisine pour voir ce que ça faisait. Je n’y suis pas arrivée, je me suis sentie ridicule. Maman m’a ensuite appelée pour que je descende au poulailler. En ces lieux, je suis la reine. Je porte le panier à œufs à merveille. Je n’en ai jamais fait tomber un seul. Chaque matin, c’est une gloire silencieuse. C’est la mienne. Ma petite gloire silencieuse. »

« J’ai fermé les yeux pour me concentrer, pour visualiser le fils sur lequel je me tenais en équilibre. Le moindre coup de vent et je tomberais. Rachel savait que j’étais près du bord. Ou alors c’était le contraire. Peut-être que c’est elle qui tombait progressivement et moi, j’étais là à regarder, sans bouger, sans broncher. J’étais perdu. Dans un monde à l’envers, comment peut-on savoir si l’on tombe ou si l’on reste debout ? »

Lu en décembre 2020 – L’école des loisirs, 15€

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