La Chose du MéHéHéHé, de Sigrid Baffert, illustré par Jeanne Macaigne (Éditions MeMo, Polynie, 2019)

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« – La Chose du MéHéHéHé. He he !
– Fais voir ? Mé-Hé-Hé-Hé. Ah oui. MéHéHéHé !
– Tu nous le liras Maman ? Ça a l’air drôle.
– Ça pourrait faire peur, aussi, regarde la couverture. Moi, je trouve qu’elle a l’air inquiétante.
– Je maintiens que ça a l’air drôle, ce titre ! Très drôle, même !
– Effrayant, plutôt.
– Peut-être les deux à la fois ? »

Vous comprendrez bien qu’on ne pouvait pas en rester là ! Et comme nous avons la chance abyssale d’avoir reçu cette pépite en avant-première, nous n’avons pas tergiversé longtemps et avons plongé la tête la première dans le nouveau roman de Sigrid Baffert. Enfin, plus exactement, « au beau milieu du grand ventre bleu de la mer, loin, très loin de toute terre, loin, très loin de toute île ou de tout atoll ». Vous pensez peut-être que la vie dans ce monde d’algues, de crustacés et autres céphalopodes, ce n’est pas la mer à boire ? Et bien, vous vous fourrez le doigt dans l’œil ! Entre la terreur semée par un prédateur dont le seul nom suffirait à vous glacer le sang, la pluie d’objets hétéroclites qui s’abat continuellement sur l’océan et la joyeuse pagaille qui ondule et glougloute à l’abri des coraux, ce n’est pas vraiment le calme plat. Alors le jour où surgit une chose pas comme les autres qui flotte mystérieusement à la surface, c’est la goutte qui fait déborder le vase. L’heure est grave, et il se pourrait même que la chorégraphie du Tcha-kou-tcha, la danse de flati-fluti et l’invocation du grand Crusticé ne soient pas à la hauteur de la situation…

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Les romans de la collection Polynie parviennent à chaque fois à me surprendre. Celui-ci est une déferlante de tout ce que nous adorons : beaucoup de fantaisie et de péripéties, des personnages désopilants (dont trois petites pieuvres qui ne sont pas vraiment du genre à se noyer dans un verre d’eau), un texte espiègle qui joue avec les mots, les fait onduler et les entrechoque pour notre plus grand plaisir. Le tout est sublimé par les illustrations de Jeanne Macaigne qui fourmillent de détails fascinants, souvent teintés d’une ironie réjouissante.

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« Et si on lançait un référendum ? »

Comme dans d’autres romans de la collection (voir ici et par exemple !), le registre est celui de la fable, mêlant fantaisie, réflexions philosophiques et clins d’œil à l’actualité la plus brûlante : comment les humains et leurs manies envahissantes peuvent-ils bien être perçus du fond le plus lointain des océans ? Comment réagir face à une menace potentiellement fatale ? Comment arbitrer entre prudence et envie d’assouvir sa curiosité, entre raison et superstitions ? Faut-il décider d’avoir peur ? Ou se refermer comme une huître ? Une réponse musclée ne serait-elle pas plus sûre ? On rit beaucoup, mais souvent jaune. La réflexion sur les dégâts infligés par l’Homme à la nature est subtile, mais fait densément écho à nos préoccupations et lectures récentes, notamment l’album Sur mon île, de Myung-Ae Lee.

Un roman drôle, intelligent et très original que je brûle de faire découvrir à toutes les petites crevettes de notre entourage !

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Un grand merci à l’autrice pour sa jolie dédicace. C’est le cœur serré que je remercie également de tout cœur Chloé Mary et MeMo pour cette lecture – et tant d’autres ces derniers mois ! Des textes qui nous ont apporté des heures inoubliables d’émerveillement et d’échanges. Dont la saveur prend déjà le goût des meilleures madeleines de l’enfance…

« Elle n’avait pas de dents comme Krakenko, non, c’était même à se demander si elle avait une bouche. Pourtant Saï eut la sourde intuition que ce non-crustacé tombé du ciel à l’apparence inoffensive était une source inépuisable de calamités. »

« – Ça sert à rien de se cramer les branchies à foncer comme des turbots, lâcha-t-elle. Elle nous suit pas, la grosse Krakenko.
Saï freina brusquement et se retourna à son tour.
– Ça alors, on ne l’intéresse pas, dit Saï, sidérée.
– C’est presque vexant, ajouta Mo. »

Lu à voix haute en octobre 2019 – Éditions MeMo, Polynie, 11€

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