
« L’institution scolaire exigeait un rapport à la langue française et à la culture classique dont ils ne disposaient pas et qu’il était trop tard pour acquérir. Ils semblaient prisonniers d’un destin sociologique écrit d’avance, un TGV lancé à 300 kilomètres-heure vers le chômage, et aucun de mes conseils ne pourrait les faire dévier de leur trajectoire qui les menait inéluctablement droit dans le mur. »
Prof de banlieue, Guillaume ne croit plus à l’école comme ascenseur social. Les déterminismes sont trop écrasants, la société trop gouvernée par l’argent et le statut qui ouvrent aux privilégiés les portes des grandes écoles tandis que les autres se rabattent sur des diplômes sans valeur. Alors le jour où Guillaume rencontre Nadia, belle, intelligente, cultivée mais sans diplôme valable, il décide de lui en procurer un.
Un diplôme vaut-il plus qu’une validation de papier ? Peut-on réparer une injustice en trichant ? Ces questions méritent d’être posées. L’expérience imaginée par Guillaume est donc prenante, on brûle évidemment de savoir si l’imposture permettra à Nadia de se jouer des déterminismes – et ainsi de démontrer par l’absurde la vacuité des hiérarchies de statut qui régissent nos rapports sociaux.
L’intrigue est accrocheuse, donc, mais décevante car trop caricaturale. Le registre est certes celui de la satire, mais le trait est gros. Les lycées et l’université sont caricaturés comme le mépris pour les diplômes de l’enseignement supérieur hors grandes écoles – il ne faut pas non plus exagérer. Les grandes écoles en prennent d’ailleurs aussi pour leur grade (décidément, c’était déjà le cas dans Humus, de Gaspard Koenig, que j’ai lu un peu avant). Je comprends que l’on trouve injuste que ces établissements soient mieux financés par l’État que les universités alors que vu leur sélectivité, leurs étudiants ne sont pas ceux qui les plus gros besoins d’accompagnement. Mais je n’en peux plus des stéréotypes selon lesquels on n’y enseignerait que les power points, le pipeau et la novlangue. Les grandes écoles sont d’autant plus injustes qu’elles n’offrent pas à leurs étudiants qu’un diplôme, mais aussi d’excellents enseignements et un réseau de choix.
Difficile de croire qu’une femme aux faux airs de Nabila, dont l’accent trahit les origines sociales et privée de référence ou de connaissance, parvienne à grimper de tels échelons uniquement grâce à un faux diplôme. Inconcevable aussi, par exemple, d’imaginer une ministre de l’éducation qui demanderait à un prof s’il a choisi ce métier par « masochisme ». Je n’ai pas trop compris non plus pourquoi le protagoniste, qui semble intelligent et développe des réflexions éthiques, devient subitement si agressif et insultant lors de certaines situations avec des femmes.
Malgré ces limites, Le diplôme reste un roman prenant qui pose de bonnes questions sur les tris sociaux présentés comme méritocratiques, dans un monde où tout semble se monnayer. Merci beaucoup à Blandine de m’avoir offert cette lecture !
Lu en novembre 2023 – Albin Michel, 19,90€
Dommage pour le trait caricatural même si le roman semble intéressant par les questions qu’il soulève.
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