Émergence 7, de Vincent Mondiot, illustrations d’Enora Saby (Actes Sud Junior, 2022)

« C’était le tout dernier moment avant la fin du monde tel qu’on le connaissait, également. Quelques minutes plus tard, « la ville dans laquelle j’avais grandi » deviendrait à tout jamais « le point d’Émergence 7 ».
Heureusement, ça, je l’ignorais encore. »

Vingt ans après le cataclysme de l’Émergence 7, Léon peut enfin retourner sur les lieux. Il y trouve le cimetière de sa jeunesse et des réminiscences traumatisantes, celles de cette journée qui a vu son enfance voler en éclats…

Que sont les Émergences et que dissimule l’État à leur sujet ? Qui a survécu parmi les protagonistes ? Notre curiosité est piquée mais in fine, les conditions de la catastrophe restent floues. Quant au sort des membres de la bande, nous avons trouvé qu’un peu trop d’indices étaient fournis dès le début (un peu comme dans L’île de Vincent Villeminot, que j’ai bien aimé par ailleurs).

L’essentiel est donc autre part. Les aller-retours entre le temps de la narration, les souvenirs du jour de l’Émergence, des années qui l’ont précédée et de celles qui l’ont suivie permettent de varier les rythmes et les perspectives sur la catastrophe, alternant récit de survie et méditation sur la fin de l’enfance, la fragilité des liens humains, les traumatismes des survivants. Léon décrit très bien les cauchemars, les images et les fantômes qui le hantent, sa colère et sa culpabilité. On navigue ainsi entre teen novel, thriller post-apocalyptique et drame.

Surtout : c’est un nouveau format au croisement du roman et de l’album qu’inventent Vincent Mondiot et Enora Saby, leur permettant de jouer sur les deux tableaux. L’ampleur du texte en surimpression sur des illustrations pleine page permet de développer une intrigue nourrie. Mais la narration est au moins autant portée par les illustrations que par les mots. Les trois premières double-pages sont d’ailleurs muettes, la représentation de l’île plongée dans une brume épaisse dont nous approchons en bateau se suffisant à elle-même. Le texte n’arrive que progressivement et laisse souvent les images parler. Ces dernières recèlent des indices, comme sur le bureau de Nina, jonché de coupures de presse consacrées aux Émergences. Elles portent le récit et stimulent notre imagination – comme dans un film d’horreur, les scènes de paniques sont souvent floues ou focalisées sur le visage ahuri des protagonistes, nous laissant imaginer ce qu’ils voient. C’est hyper réussi.

Haletant et très original, bien que très sombre. J’espère que ce titre fondera un genre à la croisée entre roman et album, nous adorerions retrouver ce format.

Lu à haute voix en octobre 2022 – Actes Sud Junior, 17,80€

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