Griffes, de Malika Ferdjoukh (L’école des loisirs, 2022)

Bienvenue à Morgan’s Moor ! Sortez pèlerines et manchons car l’hiver n’épargne pas cette bourgade du Northumberland. Mais sous la chape de gel bouillonnent des tourments violents : un drame ancien, une vision funestement prémonitoire, une griffe qui se lève pour frapper…

« Voltaire, à l’image de la maison qu’il servait depuis des temps antédiluviens, arborait le même style découragé, un peu crâne, la même usure de bon ton. »

Mon moussaillon de douze ans et moi avons adoré la malice avec laquelle Malika Ferdjoukh joue de tournures un peu désuètes pour mieux brosser le décor. Quel bonheur de s’immerger dans ce 19ème siècle plus vrai que nature où l’on voyage en diligence et porte le tweed ou la dentelle sous l’œil d’animaux empaillés ! Cette enquête rend magnifiquement hommage à Conan Doyle, mais aussi à Charles Dickens, Jane Austen et Bram Stoker. On pense aussi évidemment au mystère de la chambre jaune face à ce meurtre commis dans une chambre hermétiquement close.

Évidemment, chacun semble avoir quelque chose à cacher et le duo dépêché par Scotland Yard va avoir fort à faire. Ils seront secondés un peu malgré eux par la fille de l’aubergiste – ouïe fine, langue bien pendue et un aplomb déconcertant – qui rêve de seconder (et pourquoi pas de surpasser) Sherlock Holmes.

L’intrigue est si embrouillée qu’on en viendrait presque à se demander si l’explication n’est pas un peu surnaturelle. Mais le superintendant Linwood Tanybwlch (pensez à moi qui ai lu ce nom si souvent lors de cette lecture à voix haute !) ne démord pas de ses convictions « agnostico-darwino-rationalistes » : tout problème a son explication. En l’occurrence, il faut admettre que l’explication ne nous a pas complètement convaincus. Il nous a semblé que l’autrice emmêlait un peu certains fils narratifs. Mais ce n’est pas très grave en réalité. Dans l’ensemble, on peut s’appuyer sur les indices et les témoignages pour suivre pas à pas les déductions des enquêteurs.

Les personnages sont hauts en couleur, entre ce détective fan de Dickens, de shortbreads et de whisky gallois qui ne jure que par les siestes (figurez-vous qu’elles « déploient le meilleur de ses intuitions »), cet auxiliaire timide mais fougueux, et cette ribambelle de témoins déroutants. Leurs dialogues pleins de verve sont réjouissants (« J’ai longtemps dormi avec un grand frère qui gagnait des tournois de cricket pendant ses crises de somnambulisme. »). Et comme je le disais, l’ambiance victorienne vaut le détour.

Cette frissonnante gourmandise de saison nous a pris dans ses griffes !

« La griffe est prête.
Des yeux luisent dans la nuit.
Dans l’obscurité, il y a des yeux, des gants, et il y a la griffe.
Les yeux sont froids et décidés.
Les gants sont rouges. Ils reposent comme deux taches de sang sur un muret enneigé.
Ils glissent avec agilité sur les cristaux de neige et le gel, puis ils empoignent l’arme effilée.
Plus tard, les gants écarlates tournent silencieusement la poignée d’une porte.
La longue griffe s’élève sous la lune dans un éclair de glace.
La griffe attend. »

N’hésitez pas à découvrir les avis d’Antigone et de Tachan !

Lu à voix haute en janvier 2023 – L’école des loisirs, 17€

9 commentaires sur “Griffes, de Malika Ferdjoukh (L’école des loisirs, 2022)

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  1. Merci pour la citation !
    Je vois que vous avez vous aussi succombé au charme de cette aventure d’un autre temps !
    Mais comme je te plains d’avoir dû lire tant de fois ce nom à voix haute xD

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