
La rencontre improbable de l’histoire de la Chine, de l’astrophysique et de la poésie !
À l’heure de la révolution culturelle, le régime chinois a autant besoin que peur des travaux de ses scientifiques. Trente-huit ans plus tard, d’éminents chercheurs mettent inexplicablement fin à leurs jours. Que se passe-t-il ? Que trame la société des frontières de la science et pourquoi la police s’intéresse-t-elle d’aussi près à ses activités ? Et comment expliquer les expériences perturbantes traversées par Wang Miao, spécialiste des nanotechnologies ?
« En Chine, toutes les pensées libres et contestataires, après avoir pris leur envol, finissent toutes un jour ou l’autre par s’écraser sur le sol, car la gravité de la réalité est trop lourde. »
Liu Cixin, c’est LA sensation SF de ces dernières années – et pour avoir terminé le premier tome de sa trilogie culte, je peux vous confirmer qu’on n’a pas fini d’entendre parler de lui ! Le problème à trois corps coche haut la plume toutes les cases de ce qui fait, à mon humble avis, un excellent roman de science-fiction : une prémisse qui soit plausible mais aussi stimulante, c’est-à-dire avec le potentiel de nourrir une bonne intrigue et de sonder des dilemmes intéressants. Il y a souvent une tension entre les deux, un équilibre délicat à trouver entre crédibilité et originalité de l’univers. Rarissime, donc, de voir ces qualités aussi parfaitement réunies qu’ici.
Liu Cixin n’y va pas par quatre chemins : son hypothèse repousse toutes les limites du concevable, faisant vaciller jusqu’aux propriétés les plus élémentaires de la matière. Et pourtant, tout se tient, on ne doute pas un seul instant en dévorant d’un trait les 500 pages de ce premier volet.
Comment fait-il ? L’auteur tire partie d’un art inouï de la description (de l’académie nationale des sciences à la base militaire classée et aux autres lieux intrigants du roman, on s’y croit) et surtout d’une construction magistrale. Le roman part d’un propos réaliste ancré dans la Chine maoïste pour ensuite opérer une hallucinante série de basculements (le mot est faible) qui nous font fluidement glisser, par paliers, dans une autre dimension avec, à chaque fois, une dose savante de révélations qui font monter la tension.
Les aller-retours entre présent et flashbacks permettent de varier les perspectives sur le scénario qui se dessine, alternant roman historique, fable science-fictionnelle, enquête policière et méditation sur la civilisation, les tensions entre science et politique, les dérives humaines et les dégâts infligés notamment à notre planète – dont on se dit d’ailleurs, à lire ces pages, qu’on oublie trop souvent qu’elle est ce que l’humanité a de plus précieux. C’est vertigineux, tour à tour terrible et drôle, avec un soupçon de poésie.
« Debout sous les lueurs vacillantes du ciel, Wang Miao eut soudain l’impression que l’univers était petit, si minuscule même qu’il avait l’impression d’être retenu à l’intérieur comme dans une prison. L’univers était un cœur ratatiné, un utérus étroit, parcouru de vaisseaux sanguins à moitié translucides. En suspension dans le sang, il s’aperçut que les lumières rouges clignotaient de façon erratique, comme si les pulsations de ce cœur, les contractions de cet utérus étaient irrégulières. Wang Miao sentit alors une présence si démesurée et si étrange qu’elle était destinée à ne jamais être comprise par l’entendement humain. »
Hâte de découvrir comment le tome 2 exploitera la sidérante expérience de pensée qui se profile au crépuscule du tome 1 !
Autres extraits
« À l’époque, l’obsession absurde qui consistait à trouver partout des métaphores politiques touchait à son paroxysme. Certains gardes rouges avaient par exemple décrété qu’il serait désormais interdit de tourner à droite, il fallait uniquement tourner à gauche. Les feux piétons avaient été modifiés : on devait dorénavant s’arrêter au vert et passer au rouge (une règle à laquelle le Premier ministre Zhou Enlai mit plus tard un terme). Une pièce de monnaie avait jadis été frappée à l’effigie d’une foule de paysans, parmi lesquels deux portaient une pelle et une houe, or les syllabes signifiant « pelle » et « houe étaient en chinois homophones du mot « éliminer » : des gardes rouges trop zélés y avaient vu un message contre-révolutionnaire prônant l’élimination de la classe paysanne. L’individu à l’origine de la conception de la pièce avait même été sévèrement châtié. »
« Wenjie voyait dans ces lignes sans fin comme une représentation abstraite de l’univers : une extrémité reliée à un passé infini, et l’autre à un futur infini. Et, au milieu, une courbe aléatoire sans règle et sans vie traversée de pics et de vallées, comme un désert unidimensionnel tapissé de grains de sable de différentes tailles. Des rangées de grains de sable solitaires, désolées, si longues qu’elles en étaient insupportables. On pouvait longer ce désert d’un bout à l’autre, sans jamais en trouver la fin. »
Lu en janvier 2023 – Actes Sud (version poche), 11€
C’est effectivement un des meilleurs romans de SF que j’ai pu lire et le tome 2 est encore meilleur à mon humble avis. Une vraie claque !
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Une série que mon mari affectionne, il s’est enfilé la trilogie avec un plaisir que je ne lui avais pas vu depuis des années. Il redécouvre d’ailleurs ce plaisir autour des BDs qui en sont tirées.
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Il me glisse au l’oreille que les BDs adaptent des nouvelles de l’auteur…
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Ah oui, j’ai vu ça ! J’hésitais à me lancer, il y a beaucoup de tomes et ça me fait toujours un peu peur. Sinon la trilogie est en train d’être adaptée par Netflix, je pense que bientôt, tout le monde ne parlera plus que de ça 🙂
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