À un étage près, de Jérôme Baccelli (Seuil, 2023)

Imaginez un quartier d’affaires, une gigantesque tour vitrée, un ascenseur. À l’intérieur, trois personnes qui n’ont rien en commun à part le fait qu’elles viennent d’être remerciées par la multinationale qui les emploie, plus un quatrième homme qui conserve son mystère. Soudain, l’ascenseur fait une embardée et ses portes s’ouvrent sur un étage inconnu. Un niveau entièrement recouvert de sable, sorte de quatrième dimension tangente au monde et à sa folie…

Intrigant, non ? J’ai eu envie d’en savoir plus sur ce lieu étrange et sur ce que les protagonistes allaient y devenir. La trame du roman me rappelait celle de L’Anomalie de Hervé Le Tellier: plusieurs portraits très contemporains de personnes dont l’existence est sur le point de bifurquer, avec des répercussions qui ne manqueront pas d’être détonantes. Mais malgré une plume agréable, l’anomalie imaginée par Jérôme Baccelli ne m’a pas emportée.

« Peu après son arrivée dans le groupe, un an plus tôt, Salim avait suggéré diverses améliorations dans la gestion des dentifrices mentholés à pâte dure. Puis il avait affiné son discours dans une présentation PowerPoint sur le packaging des crèmes hydratantes revitalisantes. L’analyste junior avait finalement remis une grosse étude au chef de département, Simon Pellegrini, dans laquelle il proposait de doubler les marges en utilisant un sous-traitant offshore et en simplifiant le processus de distribution. »

L’auteur brosse certes de manière saisissante un monde aseptisé d’entreprises tentaculaires gouvernées par la course au profit qui broie les existences et les relations humaines à coup d’évaluations de performances, de décisions arbitraires et de plans « sociaux ». Il y a des réflexions très justes et des détails assez drôles (comme les salles de réunion nommées Nelson Mandela ou Mahatma Gandhi, ce qui ne manque pas de sel au vu des idéaux qui prévalent dans ces murs).

Mais le trait m’a semblé forcé, suggérant parfois presque que ces pratiques seraient simplement le fait de dirigeants sadiques. Je pense que c’est ce qui fait que l’expérience de pensée n’a pas vraiment fonctionné pour moi. Je ne crois pas qu’une rencontre furtive ébranle les principes d’un gestionnaire de multinationale. Je ne crois pas non plus que l’on puisse s’extraire des déterminismes sociaux grâce à des échanges de conseil ni qu’un lieu apparemment en dehors du temps et des logiques capitalistes dissoudrait toute aliénation pour révéler l’humanité, la dignité et les vraies valeurs de chacun. Et là où L’Anomalie nous faisait envisager de vertigineuses explications derrière l’élément perturbateur du roman, il reste ici complètement inexpliqué.

Une lecture à l’intrigue accrocheuse, mais dont l’intérêt s’est malheureusement rapidement effiloché pour moi.

Lu en février 2023 – Seuil, 18€

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