Les naufragés du Wager, de David Grann (Éditions du Sous-Sol, 2023)

1740, le Wager se lance avec cinq autres navires sur les traces d’un galion espagnol transportant un trésor d’une immense valeur. Le vaisseau fera naufrage au large du Cap Horn et son équipage sera porté disparu. Mais voilà que neuf mois plus tard, un radeau accoste le Brésil avec à son bord une trentaine de survivants. Encore trois mois et se produit un nouveau coup de théâtre lorsque trois autres hommes accostent à leur tour et portent un autre récit : celui d’une mutinerie.

Quelle histoire incroyable que celle du Wager ! Elle nous immerge à l’époque d’expéditions hasardeuses, de la construction des empires et de la rivalité entre l’Espagne et l’Angleterre. Les péripéties de l’expédition – maladies, intempéries, naufrage – sont d’autant plus palpitantes qu’elles se doublent d’intrigues d’équipage aux enjeux cruciaux. À rebours de nombreux autres auteurs, David Grann prend le parti de ne rien romancer. Pourtant, ses recherches hallucinantes (lecture de journaux de bord, de notes de l’équipage, de témoignages publiés par plusieurs protagonistes et de travaux d’historiens ou d’anthropologues, complétés par une expédition sur l’île du Wager !) lui permettent de raconter l’histoire presque comme s’il y avait été. C’est captivant, dûment sourcé, éclairant.

« Les empires préservent leur pouvoir grâce aux histoires qu’ils racontent, mais celles qu’ils ne racontent pas sont tout aussi essentielles – les obscurs silences qu’ils imposent, les pages qu’ils arrachent. »

Mais comment un récit aussi spectaculaire qui a fait autant de bruit à l’époque a-t-il pu tomber dans l’oubli jusqu’à ce que David Grann décide de le raconter ? Ces pages nous interrogent sur les enjeux de l’écriture de l’Histoire, sur ce que les États en construction ont décidé de conserver – ou pas – dans leurs grands récits. Ainsi, le plaisir de se laisser captiver par les aventures de l’équipage du Wager se double de réflexions sur l’impérialisme et la nature humaine. Très fort !

Lu en décembre 2023 – Éditions du Sous-Sol, 23,50€

7 commentaires sur “Les naufragés du Wager, de David Grann (Éditions du Sous-Sol, 2023)

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  1. Quelqu’un l’a acheté dans ma famille, je sens que je vais lui emprunter quand il l’aura lu car l’écriture de l’Histoire est toujours un sujet qui m’intéresse !
    Merci pour ce billet car je ne m’attendais pas du tout à un tel contenu.

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    1. N’hésite pas ! C’est un vrai coup de coeur pour moi, j’ai eu l’impression d’avoir à faire à un véritable travail d’historien tant la recherche a été minutieuse, mais restituée de manière captivante. On joint vraiment l’utile à l’agréable si je peux dire cela d’une histoire aussi dramatique 🙂

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  2. Voilà qui donne envie ! Je l’avais vu passer à plusieurs reprises et me demander justement s’il valait le détour. Je me fie à ton avis et l’ajoute donc à ma liste de lectures 😉

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    1. Merci pour ta confiance ! Je trouve ce récit vraiment particulier parce que l’histoire est dingue et pour l’approche de l’auteur. On dirait presque un travail de recherche, c’est très factuel et tout est sourcé (il y a des notes en fin d’ouvrage). J’ai trouvé très fort la manière dont l’auteur parvient à déployer un récit captivant en procédant ainsi.

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