La parure, Annelise Heurtier, illustré par Delphine Jacquot (d’après Guy de Maupassant, Thierry Magnier, 2022)

« Mathilde rêve de mondanités qui font briller et tinter les noms, Mathilde rêve de plaire et d’être enviée, de paillettes et de tourbillons, Mathilde rêve, rêve à en crever, le nez écrasé contre la fenêtre de sa vie terne et étriquée. »

Mathilde est jeune, belle, mais chagrine. Là où son mari se contente de peu, elle désespère de mener une existence aussi étriquée, rêve luxe et mondanités. Ces rêves semblent à portée de main le jour où le couple est convié à un bal…

La couverture ne parlait pas trop à mes moussaillons : « Ça parle d’art ? C’est une histoire de pigeon ? » Ça ne leur disait pas plus que ça. Et pourtant, l’objet-livre semble venu tout droit d’une bibliothèque cossue du XIXe siècle avec son dos tissé, son lettrage à l’ancienne et son beau papier. Et dès la première page, nous avons été captivés. Quelle riche idée de revisiter cette nouvelle de Maupassant sous forme de récit animalier illustré ! Et quelle réussite !

Annelise Heurtier excelle dans ce format ramassé comme dans ses romans (dont j’ai déjà eu l’occasion de parler ici et ). Sa plume, avec ce mélange de délicatesse et de vitriol qui semble n’appartenir qu’à elle, restitue admirablement l’atmosphère du texte de Maupassant. Ses mots résonnent, passionnent et bouleversent en faisant jaillir les envies dévorantes de Mathilde, les efforts désespérés de son mari pour la rendre heureuse, le désarroi de « trébucher au seuil d’un conte de fées ». Et quelle chute !

Delphine Jacquot dessine les salons feutrés et les parures jusqu’à la moindre perle, la moindre plume et la moindre dorure et fait le choix génial de donner aux personnages une forme animalière. Mathilde Loisel est évidemment une oiselle, son mari un castor désarmant, tandis que les bourgeois et commerçants sont représentés sous les traits d’une hautaine girafe ou d’un requin (il y a même un homard). Cette forme va comme un gant à la nouvelle. Cela lui donne des allures de fable. Une fable terriblement actuelle qui nous interroge sur l’être et le paraître, la vacuité du bling-bling, l’importance à donner au regard des autres et la violence inouïe des déterminismes sociaux.

Sublime !

Lu à voix haute en décembre 2022 – Thierry Magnier, 22€

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