Black Cloud, tome 1 : Le Royaume, de Vincent Villeminot, illusté par Julien Martinière (PKJ, 2023)

Entre récit d’aventures et roman apocalyptique, la trilogie Black Cloud commence très fort : essayez un peu de coucher votre moussaillon après ça !

Djack, Chu et ZeCrow sont de drôles d’oiseaux, chacun à sa manière. Un matin de printemps, les trois frères se réveillent dans le noir. Un obscur et mystérieux nuage enveloppe le monde, le privant de jour. Poussières soulevées par un astéroïde ? Explosion nucléaire ? Éruption volcanique ? Nul le sait. Les gens sont très vite plus occupés à survivre dans la perspective d’un printemps sans récolte qu’à chercher des explications. Les informations se tarissent et on cesse d’attendre des solutions collectives. Dans un monde où on ne peut plus se fier à personne (pas même au voisin ou à la camarade de classe), la solidarité et la perspicacité des frères va être mise à rude épreuve…

« J’ouvris, fis quelques pas sur la terrasse, levai les yeux au ciel : ce n’était pas un ciel de nuit, c’étaient ces absences de lumières, ces ténèbres qui tombent brutalement et précèdent les pires orages – lorsque soudain le soleil semble avoir disparu, qu’en quelques minutes on imagine une éclipse. Mais en plus noir encore. La nuit était restée sur la terre. Ou plus exactement, un voile dissimulait le soleil à nos yeux, même si on devinait que l’astre se cachait derrière, très loin. »

Je pense toujours aux théoriciens du contrat social quand je lis Vincent Villeminot. Il sait comme personne passer à la moulinette les dilemmes hobbesiens pour en faire des intrigues palpitantes qui donnent à réfléchir sans en avoir l’air. Quel goût auraient les relations humaines dans une obscurité qui ne serait plus régulée ? Que resterait-il, d’ailleurs, de notre humanité ? Ces questions sous-jacentes donnent de la profondeur au roman mais il n’en reste pas moins un récit d’aventures où chaque chapitre charrie son lot de péripéties et de cliffhangers.

« – On va se mettre à l’abri. Nous quatre. Dès cette nuit. Avant le bordel…
C’était très très rare que Papa dise des gros mots devant nous.
On n’osa donc rien ajouter.
‘Bordel’, dans sa bouche, ça signifiait des perspectives graves, terribles, une sorte de fin de civilisation, un retour à la barbarie, la loi de la jungle.
Un truc cool. »

J’ai trouvé jolie l’alchimie de cette famille atypique. La lucidité du père, l’ingéniosité du frère aîné qui organise les stocks et bricole une douche, le sang-froid de Chu, le bagout de ZeCrow et la drôlerie de leurs dialogues, tout compte et la solidité de cette cellule familiale est réconfortante dans l’adversité.

Les illustrations en clair-obscur de Julien Martinière ponctuent visuellement le récit, au début, au milieu et à la fin, donnant une touche supplémentaire à son atmosphère inquiétante.

Car la tension est maximale à l’ombre du nuage. Comme on ne peut que deviner les menaces tapies dans l’obscurité, notre imagination s’emballe avec celle du narrateur qui nous propulse à la lisière du fantastique. Quels monstres devront affronter nos trois frères – animaux mutants ? Humains désespérés ? Que restera-t-il de leur famille ? Nous lirons assurément le tome 2 (heureusement prévu pour novembre !) pour le savoir.

Lu à voix haute en octobre 2023 – Pocket Jeunesse, 13,90€

5 commentaires sur “Black Cloud, tome 1 : Le Royaume, de Vincent Villeminot, illusté par Julien Martinière (PKJ, 2023)

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  1. Gabrielle vient justement de se laisser tenter par ce premier tome. Ta critique intrigue et donne envie d’aller découvrir ce que l’auteur a une fois de plus su mettre en avant pour questionner notre rapport à l’autre.

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