Les alchimies, de Sarah Chiche (Seuil, 2023)

« Je m’appelle Camille Cambon. J’ai quarante-huit ans. Je ne sais pas pourquoi j’en suis venue un soir, affalée sur la couette jaune de mon lit, à cliquer sur un mail perdu au milieu de tant d’autres. Tout comme je ne sais plus s’il faut être fou pour devenir médecin ou si c’est bien l’exercice de la médecine qui finit par détruire notre raison. Toute cette histoire restera énigmatique à qui n’accepte pas de s’armer de sa propre part de ténèbres pour aller à la rencontre de ce qui peut arriver aux êtres humains. Il m’est difficile d’admettre qu’on puisse vivre pendant tant d’années auprès de gens que l’on pensait connaître, sans se rendre compte de rien. Il m’est encore plus difficile d’admettre que le démon de la connaissance peut nous dévorer jusqu’à la folie. Avant, je croyais que chacun d’entre nous vivait dans un monde où la science fournissait des solutions bien meilleures que les dieux et nous permettait d’accéder à la nature réelle des êtres et de toute chose. Maintenant, je sais que non. »

L’alchimie m’a d’abord semblé parfaite. La plume superbe. L’incipit qui évoque un mystérieux mail, une enquête ténébreuse, des secrets de famille et le peintre Goya a immédiatement piqué ma curiosité. Puis j’ai été intriguée par Camille, médecin légiste qui dégage une grande force mais qui se démène entre sa fille qui grandit, un travail de plus en plus éprouvant et les souvenirs obscurs qui jaillissent soudain.

Puis la machine s’est grippée. Voilà que Camille reçoit donc ce fameux mail qui l’entraîne à Bordeaux, ville où ses parents ont fait leurs études et se sont passionnés pour Goya. Un témoin inattendu lui révèle des pans insoupçonnés de leur histoire. Je n’en dévoilerai évidemment pas plus pour ne gâcher à personne le plaisir de la découverte. Mais pour ma part, je suis restée de marbre face à cette histoire.

« Il y a les beaux costumes et les bons costumes. Le beau costume sent trop le propre. Il rappelle en permanence qu’on regarde une fiction. Le bon costume, lui, dont vous maîtrisez la technique, est celui qui va si bien à l’acteur qu’on croirait qu’il est né dedans. »

Je n’ai pas cru une seule seconde aux dialogues de ces personnages vaniteux qui se prennent pour des « aventuriers de la connaissance » et étalent leur culture à longueur de phrases sur l’art, l’esprit et le génie. Je n’ai pas partagé la fascination qu’ils semblent susciter chez tout un chacun, agacée par leur narcissisme, leurs leçons de vie et leur mépris des autres. Le faux article dithyrambique du Nouvel Obs sur l’un d’entre eux m’a semblé peu vraisemblable, voire un peu ridicule. De même que la capacité du témoin, des décennies plus tard, à citer mot pour mot de loooooongues tirades. C’est allé de mal en pis, les ultimes revirements m’ont semblé tomber comme un cheveu sur la soupe.

Et alors que la première partie était très bien rythmée entre présent et souvenirs de différentes époques, la seconde suit laborieusement (car parasitée par les dits monologues) la trame toute linéaire du récit du témoin surprise.

J’aurais aimé être aussi enthousiaste que d’autres lecteurs. N’hésitez pas à consulter aussi leurs avis et qui sait, peut-être partirez-vous à votre tour en quête du crâne perdu de Goya…

Lu en août 2023 – Seuil, 19,50€

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