Sermilik : Là où naissent les glaces, de Simon Hureau (Dargaud, 2022)

Pendant les vacances, L’île aux trésors dérive vers les destinations les plus lointaines ! Après le Japon, nous filons aujourd’hui vers Tiniteqilaaq, au Groënland. Village reculé de 80 âmes à peine. C’est là que, dans les années 1980, le Français Max Audibert réalisa son rêve de s’installer et de devenir chasseur arctique. Cette BD s’inspire des souvenirs livrés à l’auteur pour raconter son histoire. Une aventure extraordinaire.

Les premières pages sont d’emblée époustouflantes par la pureté grandiose du décor, immense fjord gelé parsemé d’innombrables blocs de glace. La nature règne en maître et, Max l’apprendra vite, ses lois sont implacables. La moindre erreur peut être fatale. Et mille millions de morses, ce n’est vraiment pas de la tarte de gérer une meute de chiens, d’affronter le blizzard ou de déployer un filet de pêche sous la glace. Cela provoque des mésaventures tour à tour drôles et terrifiantes.

« Ici règnent les lois de la nature. Parfois saignantes, toujours coriaces, pas d’autre choix que de les endurer ! La loi du plus fort, du plus résistant…
La loi du vent, du froid, de la glace, de l’eau…
… de la neige, de la montagne…
Ici, on ne triche pas. »

Avec ténacité et humilité, Max s’initie au tunumiosut (le Groenlandais de l’est) et aux savoirs traditionnels organisés autour de la chasse et de la pêche. On ne peut qu’admirer l’ingéniosité avec laquelle les Inuits s’adaptent, scrutant les indices dans le paysage, faisant sécher le poisson, fabricant des objets en peau de phoque. Les descriptions sont précises et documentées. Mais n’allez pas penser que c’est rébarbatif ! D’une part, c’est véritablement captivant de découvrir cette existence si différente de la nôtre qui met à distance ce qui nous semble aller de soi, comme par exemple la pratique d’avoir des animaux de compagnie. D’autre part, les illustrations et les mots de Simon Hureau donnent un supplément de poésie au récit, transmettent la liberté en traineau à chien ou en kayak dans le grand blanc, la saveur de l’amitié, la majestuosité de la faune polaire.

Ces pages ne romantisent pourtant pas le mode de vie des Inuits. Elles disent aussi la solitude, l’ennui et le désespoir. L’évolution des mœurs qui modernise l’existence et impose des bouleversements douloureux. Car le progrès technique, la sensibilisation de l’opinion publique sur la chasse ou l’accroissement des contacts avec le monde extérieur transforment inexorablement l’existence à Tiniteqilaaq.

Sermilik se lit comme un hymne à la nature boréale, un récit atypique d’initiation, d’intégration et de transmission, une invitation à aller au bout des rêves qui nous tiennent à cœur. Une lecture intense et immersive qui nous laisse durablement la sensation du froid polaire et le halètement des chiens dans l’oreille.

Lecture commune avec les moussaillons en juillet 2022 – Dargaud, 24€

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