La Tour des Anges, de Philip Pullman (Gallimard Jeunesse pour la traduction française, 1998)

« C’était comme si quelqu’un avait découpé un trou dans l’air, à environ deux mètre du bord de la route, un bloc de forme plus ou moins carrée, de moins d’un mètre de diamètre. Si vous vous teniez à la hauteur de la parcelle de vide, celle-ci était quasiment indécelable, et même totalement invisible vue de derrière. On ne pouvait la voir que du côté le plus proche de la route, et encore, ce n’était pas chose aisée, car ce qu’on apercevait alors ressemblait exactement à ce qui se trouvait devant le trou, de ce côté-ci : une plaque d’herbe éclairée par un lampadaire. Mais Will avait deviné, sans le moindre doute, que cette parcelle d’herbe, de l’autre côté, appartenait à un monde différent. »

Cittàgazze est un tiers-lieu, un monde parallèle qui n’est ni le nôtre, ni celui des Royaumes du Nord. C’est là que Will fait la rencontre de Lyra. Elle poursuit ses recherches sur la Poussière, il cherche son père disparu il y a des années dans le grand Nord, le laissant seul avec sa mère, traqués par des hommes mystérieux. Les deux adolescents devront unir leurs forces face aux bouleversements du monde, aux forces réactionnaires obnubilées elles aussi par la Poussière. Et à la guerre qui semble inéluctable.

Ce tome charnière nous permet de mieux saisir les liens entre les différents mondes qui se cristallisent dans l’histoire tourmentée de Cittàgazze. Des personnages très importants sont introduits, avant tout le Dr Malone et Will. J’ai aimé les clins d’œil au monde de la recherche à travers la première qui a bien du mal à trouver les crédits pour financer un programme pourtant disruptif… Quant à Will, c’est un très beau personnage qui a beaucoup à apporter à Lyra avec sa détermination tranquille.

Elle avait demandé : « Qui est ce garçon ? Un ami ou un ennemi ? »
L’aléthiomètre répondit : « C’est un meurtrier. »
Lyra se sentit immédiatement soulagée. Il savait où trouver à manger, il lui montrerait comment rejoindre Oxford, autant de qualités fort utiles ; ce qui ne l’aurait pas empêché d’être un froussard, un garçon à qui on ne peut pas faire confiance. Un meurtrier, en revanche, faisait un excellent compagnon. Avec lui, elle se sentait aussi protégée qu’elle l’avait été aux côtés de Iorek Byrnison, l’ours en armure.

L’ampleur de l’intrigue et la densité imaginaire sont impressionnantes, mais peuvent aussi déconcerter face aux questionnements quasi-métaphysiques, aux va-et-vient incessants entre des mondes tangents, aux quêtes des multiples personnages qui tâtonnent dans la confusion la plus totale, souvent en suivant des visions, des convictions un peu inexplicables ou des indications de l’aléthiomètre. J’ai quasiment dû prendre des notes pour arriver à suivre chacun des fils narratifs. Les choses se précisent autour d’une mystérieuse prophétie et de la guerre qui se prépare : les camps se mettent en ordre de bataille avec leurs armes respectives. Cela reste toutefois très (trop) abstrait à cause de l’absence de Lord Asriel dont on ne peut que deviner les motivations.

« Lord Asriel est un Érudit, dit-il au bout d’un moment, mais la passion qui l’anime n’est pas le savoir. Ni le pouvoir. Je l’ai rencontré un jour, et j’ai découvert un homme doté d’une nature ardente et puissante, mais nullement despotique. Je ne pense pas qu’il cherche à gouverner… En fait, je ne sais pas ce qu’il veut […]. »

Les bases n’en sont pas moins posées pour un affrontement impitoyable et une quête initiatique à la lisière des mondes et à la rencontre de la Poussière. On ne peut que se plonger dans le troisième tome pour voir comment Philip Pullman parvient à dénouer une intrigue foisonnante et pour tout dire un peu vertigineuse.

Lu en janvier 2022 – Gallimard Jeunesse, traduction de Jean Esch, 8,95€

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