Moi, ce que j’aime, c’est les monstres. Livre Premier, d’Emil Ferris (Monsieur Toussaint Louverture, 2018 pour la traduction française)

Fascinant. Ce roman graphique qui se donne à lire comme le journal de Karen Reyes, 10 ans, est de ceux qui marquent. Ces 416 pages exécutées au stylo à bille (!) mêlent drame familial, manifeste artistique, témoignage historique et enquête criminelle, pulvérisant tous les codes pour nous aller droit au cœur.

Pas facile d’être une fille dans l’ébullition sociale du Chicago de la fin des années 1960. Alors autant être un monstre ! Une imposante créature velue tout en griffes et en crocs, libre d’ouvrir grand sa gueule pour s’exprimer. Notre jeune monstre devient détective pour faire la lumière sur la mort suspecte de sa voisine. Une affaire qui se noue à Berlin en 1920…

Captivée par l’enquête, j’ai dû me forcer à ne pas lire trop vite. Ces pages bourrées de détails savoureux et de clins d’œil sont de celles qui se redécouvrent à chaque relecture.

Une tendresse infinie lie la narratrice à sa mère et à son frère qui lui fournit des magazines d’horreur et l’emmène au musée. J’ai aimé la façon dont les tableaux (surtout les plus effrayants) vus là-bas la hantent, l’accompagnent et l’inspirent au quotidien.

Karen est un monstre désarmant, fondamentalement différent et décalé, perplexe face à l’intolérance crasse des gens, inquiet de faire face un jour à la mort de ses proches mais fort d’un imaginaire sans borne qui déploie un univers aussi horrifique que réjouissant. Mais il ne s’agit pas simplement d’une métaphore sur les difficultés d’être un enfant différent, mais de la fresque de toute une époque et de ses milieux les plus marginaux.

Tout cela est magistralement dessiné, d’un trait à la fois énergique et très expressif qui a pu tour à tour me faire penser aux toiles d’Otto Dix, aux albums de Maurice Sendak, à la caricature et aux comics. L’ensemble est puissamment imagé. On voit par exemple Karen se réfugier dans l’île verte qu’elle discerne dans la pupille de sa mère ou entrer dans les tableaux au musée. Et la mélancolie a une teinte bleutée.

Un tour de force sensible qui se déploie en dehors de toute convention et offre un étendard aux marginaux et laissés-pour-compte : à lire absolument !

Lu en août 2022 – Monsieur Toussaint Louverture, 34,90€

4 commentaires sur “Moi, ce que j’aime, c’est les monstres. Livre Premier, d’Emil Ferris (Monsieur Toussaint Louverture, 2018 pour la traduction française)

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