La dernière saison de Selim, de Pascale Quiviger (Le Rouergue, 2023)

Quand on commence à avoir lu beaucoup de littératures de l’imaginaire, on finit souvent par reconnaître assez vite certains codes de la fantasy. Les énièmes variations sur les motifs connus auront beau être imaginatives, elles laisseront toujours le goût décevant d’un exercice de style qui représente presque un but en soi. Et bien ici pas du tout !

Pascale Quiviger nous immerge dans un univers dense et si cohérent qu’on jurerait qu’elle y a voyagé. Un monde de mille et une nuits qui n’a pourtant rien à voir, traversé de parfums et de saveurs, gorgé de références déconcertantes, gouverné par des normes, des lois et des coutumes dont le sens se révèle au fil des pages. Le système politique tricéphale de Selim défie toutes les catégories de la politique comparée : il y a l’infinie en charge du spirituel, le sultan qui incarne la politique du ventre et le vizir qui gouverne en s’appuyant un savoir encyclopédique et des principes rationnels. Chacun poursuivant son propre agenda au détriment des autres, vous imaginez bien que le pays est truffé d’espions…

Ce qui est magistral, c’est la manière dont cet univers nourrit l’intrigue, lui donnant de la profondeur, semant ici et là des éléments sur lesquels elle rebondira allégrement des chapitres plus tard. Et cette intrigue, donc ? Elle commence avec un orphelin démuni auquel beaucoup semblent s’intéresser. De péripéties en rebondissements, on récolte les indices qui nous mettent sur la voie de ce qui est en train de se jouer, on recoupe les éléments pour arriver à des conclusions sidérantes, on suit l’enquête d’espions de haut vol qui s’infiltrent dans les lieux les plus impénétrables.

Chemin faisant, on ne sait plus à qui se fier mais on finit par s’attacher aux personnages, loin d’être parfaits, mais tellement humains.

Tout cela porté par une plume vive et malicieuse et nourri de subtiles réflexions sur les fondements du pouvoir, la prédation des ressources naturelles, les dilemmes éthiques, l’amour et l’émancipation féminine.

Un grand merci à la sélection du Prix Vendredi et à Lucie d’avoir attiré mon attention sur ce roman qui m’a fait oublier tout le reste.

Lu en novembre 2023 – Le Rouergue, 21€

5 commentaires sur “La dernière saison de Selim, de Pascale Quiviger (Le Rouergue, 2023)

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    1. Oui, les thèmes nourrissent l’histoire mais sont vraiment abordés sur le mode de la fable ou de la métaphore, cela donne à réfléchir mais on reste sur une lecture plaisir avec moult rebondissements !

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